Si l’on prend soin de consulter le décompte mensuel des remboursements que nous envoie la Sécurité Sociale ou qu’elle met à notre disposition sur http://ameli.fr, on voit apparaître depuis le 1er janvier 2015 la mention : “HONOR. DISPENS 0,82€, 65%, 0,53€” intercalée entre les prescriptions délivrées. De quoi s’agit-il ? Après recherche sur le site officiel de l’Assurance Maladie, on trouve l’explication suivante :
L’instauration des honoraires de dispensation (honor.dispens)
L’avenant n°5 à la convention nationale pharmaceutique entre l’assurance maladie et les syndicats pharmaceutiques, signé le 21 mai 2014 par l’UNCAM et la FSPS et approuvé par arrêté du 28 novembre 2014, prévoit la mise en place, au 1er janvier 2015, d’honoraires de dispensation pour les pharmaciens d’officine :
L’honoraire de dispensation par boîte: Pour chaque boîte de médicament remboursable délivrée, le pharmacien perçoit un honoraire de 0.82€ TTC, que ce médicament ait fait l’objet d’une prescription ou non. (Cas particulier : dans le cas de délivrance d’un grand conditionnement contenant un traitement pour 3 mois, l’honoraire est majoré à 2,21€ TTC).
L’honoraire pour ordonnance complexe : Cet honoraire, qui s’ajoute à l’honoraire de dispensation par boite, valorise la dispensation des ordonnances complexes, c’est-à-dire les ordonnances prescrivant au moins 5 médicaments remboursables différents, le pharmacien proposant au patient d’éditer un plan de posologie.
Sur le site medicament.gouv.fr, il est précisé que « la réforme a pour objectif de valoriser la fonction de conseil du pharmacien d’officine, professionnel de santé de proximité, au moment de la dispensation. Elle permet aussi que la rémunération des pharmaciens d’officine dépende moins qu’avant du prix et des volumes des médicaments vendus. »
On perçoit bien dans cette nouvelle disposition le grand souci du législateur pour le bien-être de l’assuré qui pourra enfin disposer du conseil avisé de son pharmacien, chose tout à fait innovante. Mais cela représente également une substantielle économie pour la sécurité sociale dont le trou persiste depuis des décennies ! Les pharmaciens ainsi rémunérés “à la boite” n’auront plus besoin de pousser à la consommation ou d’augmenter les prix.
Madame Marisol Touraine se moque de nous dans les grandes largeurs ! Qui nous dit que les pharmaciens changeront leurs pratiques mercantiles grâce à ce pactole de 0,82€ par boite délivrée ? Qui va payer sinon l’État, c’est-à-dire in fine le contribuable ? Les mutuelles qui paient une partie de cette obole ne vont-elles pas répercuter la dépense sur des cotisations déjà prohibitives ? Sans doute dans l’esprit de la ministre, tout cela entre dans son objectif de “faciliter la santé au quotidien” !!!
On comprend donc la grande discrétion qui a entouré cette heureuse initiative. Peu de gens en ont parlé et généralement pour exposer les faits sans commentaires sur le fond. Hier, j’expliquais dans ce blog comment l’Europe réclame à la Grèce des réformes drastiques pour le peuple et empêche le gouvernement grec d’instaurer des réformes contraignantes pour les plus riches. Aujourd’hui, je parle d’une mesure prise en faveur des pharmaciens au dépend des plus démunis. L’idéologie qui conduit à ces deux objectifs est la même, celle du néolibéralisme, celle qui consiste à rogner par petites touches tous les acquis sociaux et à les remplacer par la loi du plus fort, du plus riche, du plus puissant. Merci à eux… !