Les aides au spectacle sucrées dans l’Allier : « Le plus grave, c’est… »
Par Fabien Granier Blogueur. Publié le 02/01/2016 à 12h21
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« Bon. En gros, ils sont en train de nous dire “au revoir et merci”, quoi. »
Silence opaque. Tête frisée. Voix de corne. Mine abattue. Il se reprend.
« … enfin, quand je dis “merci”… »
Pierre fait partie de la demi-douzaine de tronches hagardes, hébétées, qui encerclent la table en formica. On est en décembre. Il fait trop tiède. On s’est tassés à la va-vite sous les charpentes d’un ancien grenier à foin, transformé en bureau depuis plus de quinze ans et tapissé d’affiches. Ceux qui connaissent – ils sont légion – reconnaîtront. C’est La Chaussée. Le fief du Footsbarn. La mastodontique compagnie de théâtre itinérant qui a choisi de planter là, au milieu du bocage, ses convois arthritiques et ses chapiteaux rutilants.
J’y reviendrai.
Le gars qui parle, c’est Pierre. Pierre Meunier. Comédien. Metteur en scène. Inventeur fou de pièces où la plus bouleversante des poésies s’agrippe à des tonnes de métal, de ressorts, de glaise, de tout ce qui semble immobile et bon pour la réforme.
J’y reviendrai aussi. Mais c’est pas encore le sujet.
Une claque, d’une violence inédite
Le sujet, là, tout de suite, c’est la claque, d’une violence inédite, que vient d’asséner le nouvel exécutif du conseil départemental de l’Allier à tous les professionnels de l’art et de la culture qui maillent le territoire.
Suppression totale et absolue des aides aux artistes et aux compagnies.
De toutes les aides de tous types.
Bien sûr, sans préavis. Ni même un avertissement.
Un revers de la main sur des miettes de table.
En une seule session : le 15 décembre 2015, malgré les conventions signées et à deux semaines du début d’un exercice.
On aurait pu croire à première vue à un réflexe d’autodéfense. Les départements, c’est connu, ont de plus en plus de responsabilités et de moins en moins de dotations. Surtout après la mise en place de la très ruralicide loi Notre. Le conseil départemental, pris de court et de panique, aurait pu vouloir sabrer radicalement les dépenses qu’il considérait superflues. Ç’aurait été grave, mais compréhensible. Explicable.
Mais là, rien de tout ça. L’enveloppe budgétaire dédiée à la culture reste quasiment inchangée. Aucune économie à faire. Si tu l’analyses, l’opération idéologique qui s’est menée le 15 décembre se conjugue tout simplement comme suit :
plus aucune aide aux artistes, aux compagnies et aux professionnels de la culture ;
création, avec le montant économisé, de deux nouveaux dispositifs « aide à l’événementiel » (sic) et « aide aux festivals ». Des aides dont ne peuvent bénéficier que les seuls élus.
En gros : tu prends aux équipes qui vivent, travaillent et font travailler annuellement sur le territoire ; pour permettre, en échange, à une myriade d’élus d’organiser une fois par an une fête dans leur village. Des élus qui n’ont pour la plupart et par définition ni expérience, ni savoir-faire en la matière.
Bien sûr, on ne demanderait pas à un élu dont ce n’est pas le métier de faire de l’agriculture, de la médecine, du commerce, de l’enseignement… Mais on lui demande désormais de faire de la culture. En lieu et place des professionnels.
Ciao, les projets de territoire. Les emplois. L’impact économique durable. La diffusion artistique au long cours. Dont acte.
Le premier domino qui s’abat
Mais attends. Avant d’aller plus loin, il faut expliquer que la culture, dans l’Allier, c’est pas une page que tu tournes tranquillement en te léchant l’index.