Essai de caractérisation en cinq points par Jean GADREY (et merci à lui)
1) Les biens communs désignent des qualités (j’insiste : on est dans une socio-économie de la qualité) de ressources ou patrimoines collectifs jugés fondamentaux, aujourd’hui et pour le futur (biens communs naturels, cultures populaires, connaissances…) et, par extension, des qualités sociétales et des droits universels car ce sont également des ressources collectives dont la qualité doit être gérée en commun (l’égalité des femmes et des hommes dans de nombreux domaines, la sécurité professionnelle des travailleurs, la santé publique…).
2) La qualification d’un enjeu comme bien commun n’a rien de naturel. Les biens communs sont des construits sociaux. Ils doivent être institués. Et c’est un combat, qui met en cause des régimes de propriété, d’appropriation et de responsabilité.
Les biens communs envisageables sont certes très hétérogènes et très nombreux à première vue. Mais leur mobilisation devient plus circonscrite et plus gérable dans des projets précis. Si par exemple on se pose la question, sur un territoire, de la conversion écologique et sociale de l’agriculture, ou de celle des logements, alors les acteurs concernés pourront aller plus vite à l’essentiel et identifier, après débat, un nombre limité de biens communs à préserver, instituer et gérer. Il en ira de même pour un projet associatif (partie II).
3) L’appellation de biens communs contient à la fois l’exigence d’intérêt commun, d’accessibilité pour tous, et l’idée que la gestion des biens communs est « commune », qu’elle passe par la coopération d’acteurs multiples. L’adjectif « public » tend à renvoyer à « pouvoirs publics ». L’adjectif « commun » renvoie à un pouvoir mis en commun. Voir l’annexe de la version longue de ce billet.
4) Les biens communs ne s’opposent pas aux biens privés. L’objectif par exemple d’une transition écologique et sociale bien menée devrait être non seulement de prendre soin de biens communs en tant que tels, comme la qualité de l’eau, de l’air, de la biodiversité ou de la protection sociale, mais surtout d’enrichir la production des biens privés en biens communs écologiques et sociaux via notamment des normes plus exigeantes (haute qualité sociale et environnementale).
Il s’agit même probablement de ce qui importe le plus pour l’emploi conçu comme un droit, autre bien commun. Car enrichir toutes les productions en biens communs, c’est-à-dire produire « plus propre, plus vert et plus social », exige en général plus de travail à quantités identiques que de prolonger les tendances productivistes actuelles, destructrices justement de biens communs.
5) Avec les biens communs comme qualités d’ordre collectif, on n’est plus dans une économie traditionnelle de « production », mais dans une économie du « prendre soin », y compris comme condition de la production de biens privés.
– PRENDRE SOIN DES PERSONNES et du travail ;
– PRENDRE SOIN DU LIEN SOCIAL et de droits universels ;
– PRENDRE SOIN DES CHOSES et des objets ;
– PRENDRE SOIN DE LA NATURE ;
– PRENDRE SOIN DE LA DÉMOCRATIE. C’est peut-être le premier des biens communs, ou le plus transversal.
(Reproduit par : la-cen.org)