On vous fait suivre cette lettre au procureur afin que vous donniez suite,
svp…
nom
adresse
Date et lieu de naissance
Lettre Recommandée avec Accusé de Réception.
Monsieur le Procureur de la République
de Chambéry
Tribunal de Grande Instance de Chambéry
Place du Palais-de-Justice
73018 Chambéry Cedex
Chambéry le 2017
Objet : Mise en danger de la vie d’un nombre croissant de personnes migrantes, isolées, sans
domicile parmi lesquelles un grand nombre de mineurs sur la Savoie
Monsieur le Procureur de la République.
1) La situation
D’après les informations croisées des associations caritatives et des repérages citoyens, une
cinquantaine au moins de personnes vivent et dorment chaque soir, dehors, dans les rues de
Chambéry.
– Un groupe de 13 jeunes africains a été identifié par les associations caritatives et ont été
délogés de leur abri de fortune, alors qu’ils ne disposaient d’aucune autre alternative, le 5
aout par la police municipale.
– A ce groupe s’ajoute au moins des familles avec enfants en bas âge. Les associations
caritatives ont également repéré une femme enceinte.
– Parmi ces personnes, un grand nombre sont mineurs et relèvent, à juste titre, de la
protection de l’enfance
– Depuis une semaine, un campement de fortune s’est formé, sans eau, sans électricité et
sans sanitaires au coeur de Chambéry.
-Le 115 ne dispose que très rarement de places disponibles et les associations caritatives, les
citoyens et les migrants qui le sollicitent chaque soir se voient sans cesse répondre qu’il n’y a pas
de places suffisantes.
Cette situation pourrait être plus dramatique si les réseaux citoyens n’agissaient pas : je sais que
plus de 60 personnes sont logées dans les familles chambériennes, en suppléance des services
publics dont l’Etat a seul la compétence … sans pour autant l’assumer pleinement.
En été, les plans d’hébergement d’urgence sont suspendus et certains établissements sont fermés
alors qu’ils permettraient de loger convenablement ces personnes sans logement, condamnées à
dormir dehors, sans accès à l’eau et aux sanitaires notamment.
2) Les risques
Les risques de cette situation sont graves :
– manque d’hygiène et d’intimité
– exposition aux aléas climatiques (parmi lesquels, pluies et orages violents estivaux). Nous
rappelons que cette exposition a obligé M. Le Préfet à ré-ouvrir, un week end de juin, les
locaux de l’Accueil de Jour pour « cause de canicule ». La force publique mesure donc
pleinement la difficulté de ne pas disposer d’un logement minimum face à ces situations
– violences urbaines potentielles liées à des situations de désespoir ou de difficulté à vivre
ensemble dans ces conditions (et ce, bien que les personnes dormant dehors ne puissent, à
ce jour, être accusées de désordre public tant elles cherchent la discrétion)
– désagrégation de la cohésion sociale (tant recherchée par ailleurs par des politiques
publiques diverses…)
– manque d’éducation des enfants
– perte de repères, accentuation du décrochage social, marginalisation croissante potentielle
Nous attirons principalement votre attention sur les risques pour les familles avec enfants, de plus
en plus nombreuses, pour les femmes enceintes et pour les mineurs certains étant adolescents.
Il existe enfin un risque de décohésion sociale grave, engendré par les discours politiques qui
influent les opinions publiques dans le sens d’une volonté croissante de réduire les efforts de
solidarité. Les termes utilisées par l’administration comme par le personnel politique sont les
suivants : « éloignement », distinction faite de manière de plus en plus appuyée entre personnes
étrangères demandeuses du droit d’asile et réfugiés économiques ou climatiques, « point de
fixation », criminalisation des actes de solidarités …
Cette décohésion sociale est source immédiate de violences sociales et d’exclusion. Il me parait
que la cohésion sociale est bien moins le fait des migrants et de ceux qui les assistent, citoyens et
mouvements associatifs, que celui des hommes et des femmes qui portent des discours dangereux.
3) Le manque de prévention et la non ouverture de locaux
Face à cette situation très tendue, le nombre d’hébergements d’urgence doit être augmenté en
Savoie. Le cout de cette augmentation est modeste, puisque tous les locaux existent et sont déjà
répertoriés et équipés.
Pour autant, les autorités en charge de l’accueil d’urgence ont pris (sous la contrainte des
politiques nationales dictées par le gouvernement) des décisions contraires en fermant des
établissements (comme l’équipement de la montée Valérieux fermé fin juin en pleine crise de
l’accueil d’urgence).
Cette situation est d’autant plus déplorable que l’organisation et l’encadrement de cet accueil
d’urgence est bien organisé en Savoie, reposant sur des structures associatives qui pourraient très
vraisemblablement être dotées de moyens supplémentaires modestes pour assumer pleinement
leurs missions.
En conséquence,
– il me parait clair que le manque d’accueil d’urgence (des mineurs comme des majeurs)
n’est pas du à un manque de moyens matériels (les logements existent, les équipements
pour mineurs existent) ni financiers (notre pays et notre département sont riches et sont
loin de faire un effort proportionnellement équivalent à celui des pays ou régions engagés
qui respectent les accords européens sur la question de l’accueil). Le manque de logement
répond visiblement à une autre motivation qu’il pourrait être pertinent d’assimiler à de la
préméditation. En effet, le discours ambiant du gouvernement est paradoxal, prônant
l’accueil élargi et l’ouverture , en même temps qu’il durcit violemment les contraintes
prétextant l’hypothèse d’un « appel d’air » et/ou le risque de « points de fixation ».
– Il me parait évident que le risque est plutôt sanitaire et social.
– Il me parait évident également que les personnes dormant dehors ne sont pas un danger
pour la société française mais que l’Etat, n’assumant pas ses compétences et
responsabilités, leur font courir de réels dangers.
4) La loi est claire : Déclaration des Droits de l’Homme et droit humain à disposer d’un
logement et d’un niveau de vie suffisant.
Les droits humains sont clairement établis au travers de textes précis qui honorent ceux qui se
sont battus pour qu’ils existent. Ce patrimoine juridique est commun et impose qu’il soit
respecté en tout lieu.
Parmi ces textes, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 est explicite :
. « Art.1 : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils
sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un
esprit de fraternité (…).
. Art.13 : Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à
l’intérieur d’un Etat (…) ».
. Art.14: « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de
bénéficier de l’asile en d’autres pays.
. Art.25: Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son
bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le
logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires (…)
5) La position récente du Conseil d’Etat
Enfin, Monsieur le Procureur, je vous rappelle que le Conseil d’Etat a très récemment confirmé
l’obligation pour l’Etat et les autorités locales d’accueillir dignement les personnes en situation de
précarité, notamment les migrants. Cette décision ne vaut, bien sûr, pas seulement pour les
départements du Nord mais bien pour l’ensemble de la République, donc également pour la Savoie
qui, depuis son rattachement, en 1860, en fait pleinement partie, sans exclusion et moins encore
en matière de solidarité.
Compte tenu de ce qui précède, vous apprécierez l’opportunité de toute autre qualification
des faits que nous vous rapportons et restons à votre disposition lors de l’enquête et/ou de
l’action publique que vous ne manquerez pas de diligenter.
Je vous prie de m’informer des suites que vous donnerez à cette affaire et je ne manquerais de
suivre avec attention ses évolutions.
Vous remerciant pour l’attention que vous porterez à cette affaire fragilisant tant les personnes
directement concernées que la cohésion sociale dans notre département, je vous prie, Monsieur le
Procureur de la République, d’instruire au plus vite ce dossier et de recevoir mes respectueuses
salutations.
Nom, Prénom
Citoyen