Transition énergétique sur le territoire : croissance verte ou sortie de l’accumulation ?
« La modernité, ce n’est pas la croissance infinie, même repeinte en vert, c’est une transition écologique sérieuse, qui rompe avec le capitalisme du désastre et de la démesure. Nous devons apprendre à vivre dans les limites des ressources de la planète. Les irresponsables, ce sont ceux qui précipitent l’humanité sur des chemins désastreux, pas nous »…Manifeste Nuit debout de Paris
Nous préférons donc la régie publique municipale d’électricité de quatre éoliennes moyennes avec 100 % des bénéfices ( 400 000 euros net par an) dans les caisses publiques de la petite ville de Montdidier bref la propriété sociale d’un moyen de production, un bien commun essentiel , au partenariat public privé d’électriciité d’Ungersheim…
Nous ne sommes pas partisans d’un partenariat Public privé (ou PPP le plus souvent un cheval de Troie de la privatisation comme pour le TGV Lyon Turin)
C’est pourtant ce qui est mis en avant à Ungersheim et que l’on découvre avec le plus grand étonnement, dans le film « Qu’est-ce qu’on attend » par ailleurs à visionner pour son optimisme. …sans perdre son esprit critique !
Quels revenus pour la collectivité publique ?
Ce PPP laisse royalement 5% (c’est dit dans le film) de retour des royalties à la collectivité d’Ungersheim de la part de la société allemande de panneaux photovoltaiques.
Ecologiques ?
Espérons, ce n’est pas dit dans le film, que ce soient des panneaux à support en verre fabriqués en Allemagne (10% plus chers)
Sinon la plupart des panneaux utilisés dans le monde sont fabriqués à 95% en Chine, avec un film plastique à l’acétate de vinyle, un cancérogène avéré: quid du recyclage dans 30 ans ?
Alors faut-il nécessairement sortir des énergies fossiles par le capitalisme vert ?
Pourquoi pas via une possible propriété publique des moyens de la production énergétique en renouvelables avec un système peu connu de fabrication française d’excellent rendement peu polluant pas cher pour équiper nos communes…et à coiffer par une démocratie locale directe ?
Et encore :
Dans le film sur Ungersheim
l’on voit les futurs insérés en contrats aidés à 800 euros en CAE, bien encadrés, qui vont produire dans un jardin d’insertion pour la cantine bio…mais dans ceux qu’on a connus, il n’y avait pas de représentants au CA, des consignes exécutoires, pas de participation aux régulations du Centre, des formations légères …
L’on préfère une régie municipale alimentaire comme à MouanSartoux : encore un bien commun et une socialisation par en bas d’un moyen essentiel de produire de la nourriture saine, en périphérie immédiate de la ville. Ce qui n’exclut pas la coexistence avec d’autres modalités : petites fermes productives, scops, SCIC…
La Régie publique alimentaire :
des terres, des serres propriétés de la collectivité territoriale, des employés communaux au statut sécurisé, aux droits bien assurés, qui plus est dans une municipalité de démocratie participative (en attendant co construction du budget), maraîchers municipaux fournissant à la cantine publique des légumes frais cueillis du matin, via une légumerie et même depuis peu une conserverie municipale , avec les écoliers et lycéens associés aux menus et au travail dans les serres et à la lutte contre le gaspillage alimentaire donc avec un menu 100% bio pour 1,97 €
Pourquoi le film « Qu’est ce qu’on attend ? de la pourtant battante et excellente MM Robin (Revoir « Les Moissons du futur ou « les déportés du libre échange »ou « Monsanto une multinationale qui vous veut du bien ») n’en donne-t-il rien à voir alors qu’elle pouvait tricoter ensemble ces expériences nettement plus « lanceuses d’avenir » qu’Ungersheim
Et même faire un saut jusqu’à Gussing (Autriche) et ses 55 méthaniseurs
fonctionnant à la bio masse locale des terres en friches, avec la sciure de l’entreprise de lames de parquet, avec les déchets agricoles non utilisés pour les couvertures de sol (1 tonne de paille c’est bien 400 M3 de méthane)
En France chaque année il en est produit environ 1,5 milliards de tonnes
Tout ça peut faire gaz électricité chaleur en service public pour toute la petite ville (4500 hab)
Et via le lixiviat du bon amendement des terres agricoles ?
Au total 1000 emplois durables créés en 12 années avec moins 400 % de CO2 émis, et des rendement énergétique sans commune mesure avec le photovoltaïque !!!
Surtout qu’on peut liquéfier le méthane de plusieurs méthaniseurs locaux (propres ou non propres) dans une unité territoriale ou urbaine (comme à Gussing)
Et même que l’unité pourrait être en…propriété publique et ainsi faire tourner, au gaz 100% local, de petits bus de transport doux, de préférence en régies…publiques (territoriales, départementale) et du service …public SNCF non privatisée, permettant d’atteindre l’objectif de 50 de rejets en moins (moins 400% à Gussing en 12 années et 1000 emplois)
En résumé :
1- les ENR doivent demeurer conviviales c’est à dire de petites tailles : pas questions d’inviter Suez en PPP, pour voler aux habitants, le vent d’Ardèche, de Drôme ou d’ailleurs, en y coulant des socles de plusieurs centaines de M3 de béton éternel, pour installer des éoliennes géantes, aux mâts de plus de 200 m de haut, en reversant quelques centimes dans les caisses publiques
2-l’argent ne doit pas quitter le territoire pour remplir les poches des actionnaires lointains (actuellement au prorata des 2/3 des profits des grandes sociétés !!!) mais y tourner au maximum « enrichissant »au passage le max des habitants du maraîcher au menuisier, de la librairie au jardin collectif, de la recyclerie verte à la PMI de métallerie…
3- à première vue, un bouquet de divers moyens, selon les ressources locales, semble nécessaire, mais partout il y a du soleil et donc de la bio masse.
4-pourquoi ne pas donner priorité aux méthaniseurs de la biomasse locale, renouvelable à l’infini, et aussi aux déchets organiques (propres et bio de préférence pour que le résidu ou digestat ou lixiviat serve d’engrais naturel sur des terres agricoles)
Ces méthaniseurs ont un rendement sans commune mesure avec celui des panneaux photovoltaïques, fabriqués désormais par 4 usines en France …(cf celui du lycée agricole de la Motte Servolex-Chambéry- qui fonctionne à merveille en co génération sortant donc gaz , chauffage, électricité et lixiviat, cf notre atelier Cen à Primevère, avec le père François de Creys Malville dont les cuves de lisier de porcs locaux a fonctionné 25 ans sans anicroches)
5-Rien (ou presque) malgré le monopole d’EDF n’empêche une commune de se doter d’un ou plusieurs bio digesteurs les premiers amortis servant à acheter les suivants car il y a l’article 72 de la Constitution de la 5ème République qui donne le « droit aux communes à l’expérimentation »-
6-La collectivité publique peut donc devenir elle même propriétaire de son moyen de production alternatif d’énergies renouvelables sans appel aux « Z »‘investisseurs (sic) ce qui lui vaudra d’empocher la totalité des bénéfices après amortissement (après 4 à 6 ans, Montdiier s’est ainsi trouvée avec une manne de 400 000 € par an pour seulement 4 éoliennes moyennes)
7-Elle peut acheter une installation comme Montdidier sans emprunter à intérêt aux banques privées via l’Etat (banque publique d’investissement, Caisse des dépôts, Crédit municipal, Région, Europe, …et le cross founding ou alors en SCIC avec « Energie citoyenne »
8-Elle pourra donc décider de ne pas fournir ni grandes surfaces (à 17° quand il y fait 35° dehors) ni grandes entreprises, ni banques…
9-Les ENR, on le voit peuvent ne pas devenir une énergie de substitution pour continuer de faire tourner le même monde, le même système dévastateur.
10-Elles peuvent être, comme à Montdidier (et dans moult communes danoises , allemandes…) l’occasion d’affaiblir les multinationales, d’imposer par le bas (que l’on songe aux 35 000 communes de France) une décroissance de la mégamachine capitaliste carbonée et ravageuse de la planète (extractions au mépris des populations, exploitation, spoliation, industrialisme, gigantisme, croissancisme, consumérisme…)
11 Les ENR en régies sont une voie vers la sortie du capitalisme et du marché libre et non faussé si prégnant et si dévastateur, en enrichissant tout le monde sur le territoire ce dont ont bien besoin les 9 millions de pauvres (moins de 1000 € net/mois) et les 12 millions qui peinent à se chauffer dans 20 millions de logements passoires énergétiques…
Car l’argent produit sur place peut tourner sur place, avec petits commerces, artisans , PMI, TPE, à condition de développer les circuits courts qui revitaliser les centres villes tout en court circuitant les hyper qui ont tué ces centres urbains (voir sur ce site)
12-une voie soutenable socialement car plein de petites unités c’est plein d’emplois non délocalisables de qualité et c’est donc plein de reconversions possibles et réussies des emplois dans des industries inutiles et polluantes (chimie des engrais et pesticides, grande distribution, grandes exploitations agricoles industrielles ) vers les emplois locaux de qualité (aux divers sens : vrais métiers qualifiants ; ayant du sens, une utilité sociale en contribuant à une économie résiliente locale ; non délocalisables ; avec participation à la décision : dans la régie ; et en tant qu’habitant du territoire)
13- les ENR ne produiront jamais la puissance permettant de remplacer pétrole nucléaire charbon et gaz ! C’est l’illusion de la croissance verte qui nous met dans le rouge
14-La décroissance de la mégamachine industrielle, financiaire, commerciale… du système est obligée. Pas moyen de s’en passer. On ne pourra continuer encore quelque temps la croissance, même verte, sans aller à la catastrophe liée à de brusques pénuries alimentaires ou de métaux, secousses de prix, faillite du système financier, ou tempêtes violentes,(cf le printemps si pluvieux 2015-16 moins 30% de fruits en moins) ou rupture dans un milieu naturel (disparition des abeilles)…
15-par le biais de la démocratie politique directe territoriale, ou du budget participatif, les installations peuvent être ainsi placées sous contrôle direct des populations, ou indirect (SCIC) lesquelles sont ainsi à même de définir leurs besoins à satisfaire en priorité
16-Quand on a la main sur la production on a aussi la main sur la consommation : c’est ainsi que la double nécessité écologique , de réduire les consommations par la sobriété et d’accroitre l’efficacité par la réduction des pertes, trouvera enfin son efficacité sociale
16-Les ENR ainsi gérées en public intégral et ou SCIC, génèrent assez de ressources financières pour des politiques publiques locales audacieuses quant aux autres développements (sans croissance quantitative voir Gadrey Adieu à la croissance) comme
-des communes devenant des investisseures publiques réinvestissant les revenus des regies ENR dans de nouvelles installations
-isoler et chauffer au solaire les HLM et maisons pauvres des villes,
-isoler le bâti public au chanvre ou paille (pas au polystyrène)
-racheter le foncier agricole périphérique pour le convertir en productions vivrières bio pour les cantines (en régie publique) ou pour aider les paysans à passer au bio et à d’autres productions qu’industrielles exportatrices (cf à Munich il y a 30 ans l’aide à l(ha, aux forestiers et paysans à cesser tout déversement chimique dans un énorme rayon de plus de 30 km de la périphérie Résultat une eau pure non traitée donc des milliards économisés remboursant X fois l’investissement d’aide aux acteurs du territoire !!!)
-alimenter les transports publics en bio gaz, afin de réduire la circulation automobile polluante et mortelle, pousser au transport ferroviaire passager et à l’intermodalité du transport des camions sur voies ferrées, voire des motrices à turbines au bio gaz remplaçant le gaz fossile (mais pas en grande quantité)
-financer le développement d’une intense vie culturelle locale sur le modèle par exemple du Festival d’Uzeste musical où plus de la moitié de la population est productrices de musique de théâtre de contes de poésie de conf gesticulées de vidéo de textes divers participant à son émancipation intellectuelle et plus largement à son changement de regard sur la capacité des humains à prendre en main leur destin tout en renouant des liens étroits avec la nature et avec la démocratie de co construction des décisions
Restent les énergies citoyennes et partagées
Des coopératives citoyennes font pour l’essentiel dans le photovoltaïque (pour rappel chinois à 95%, avec support d’acétate de vinyle cancérigène, rendement plus que faible, donc grandes surfaces à trouver, avec beaucoup de cuivre et de métaux rares )
(voir » Le soleil en face »)
Appartenant aux classes moyennes cultivées écologiques ces investisseurs verts coopératifs sont à l’initiative locale
L’électricité photovoltaïque c’est mieux qu’une centrale nucléaire impossible à recycler certes!
Mais est ce vraiment de l’écologie sociale ou plutôt du développement durable ??
-quel recyclage dans 30 ans de ces km2 des supports en toiles plastiques cancérigènes ? Brûlées en incinérateurs ou fours à ciment ? Bonjour les émissions de dioxines et de particules fines !
-quelle écologie grise : leur fabrication est très gourmande en eau pure, en plastique (cad en pétrole) en cuivre et autres métaux rares et bientôt épuisés, et des transports de l’autre bout de la planète, tueurs de climat
-quels investisseurs ?
Avec du 3% ou plus de retour sur investissement les coopérateurs de la Transition énergétique tirent tout de même 3 fois plus de revenus de leur placement coopératif que sur livret A
-quelle incidence sur le marché vu que les acteurs chercheront à ne pas perdre et la joueront concurrence avec d’autres pour se maintenir au lieu de la coordination /planification / à plus long terme que requièrent les investissements publics visant les biens communs ?
Certes c’est de la propriété coopérative appartenant au champ de l’économie sociale et solidaire écologique ESSE mais seuls décident les co propriétaires (comme une scop fabriquant des peintures cancérogènes et cherchant à surmonter du moins à survivre face à ses concurrents!)
Certes la propriété publique ne suffit pas à assurer les meilleurs usages écologiques et sociaux des ENR s’il n’ y a pas corrélativement la démocratie directe et une intense vie culturelle élevant le niveau de conscience des habitants, lesquelles peuvent contribuer par des politiques publiques volontaristes d’économie résiliente, de démocratie économique écologique…
Comme dit le chef indien Seattle « toutes choses se tiennent »…
il faut, à un système au bout de sa cohérence, opposer une visée systémique non pas totalitaire mais juste cohérente dans la diversité de ses approches à conditions qu’elle ne reconduisent pas le vieux monde en train de faire faillite et nous entrainant dans sa chute si nous ne voulons pas faire des pas de côté en nous « tirant » de ses immeubles pour construire de nouveaux rapports sociaux et à la nature, lesquels supposent de nouveaux rapports de propriété…
La conjonction des crises qui s’avancent, requière idéalement la construction (re) d’une économie locale vivante endogène socialisée écologique sobre (décroissante ?) et donc résiliente :..
Mais ça peut s’arranger si on monte des SCIC dans le territoire, avec une place prépondérante du collège communal, et si la commune est en démocratie la plus directe possible…
Codicille : et COTE POUVOIR ou DEMOCRATIE ?
« Domination d’une oligarchie et passivité et privatisation du peuple ne sont que les deux faces de la même médaille. » Cornélius Castoriadis :
Une autre vie est possible si la société civile prend …le pouvoir !
Il s’agit de rassembler toutes celles et ceux qui veulent participer et quand il en est besoin, que leurs représentant(e)s soient responsables devant eux et non plus devant les partis politiques
Que les projets et propositions de loi soient systématiquement délibérés par les citoyens, circonscription par circonscription. Que les candidat(e)s émanent des citoyens par des processus de sélection sans candidature a priori (voir Label de LBD)cf Saillans (pour commencer)
Si on combine démocratie vraie directe co constructive et vie culturelle et politique publique dynamique d’investissement comme à Ungersheim, Lhoos en Gohelle, Montdidier, Barjac, MouanSartoux… on a des clés pour organiser une vie vivable face à la conjonction des périls !
André Duny
Complément aux soirées de Saint Marcel les Valence et de Pont de Beauvoisin sur l’autonomie alimentaire et énergétique des territoires