Manifeste des AMIS de la TERRE

Mobiliser Résister Transformer

Quelle est la vision du monde dans laquelle s’inscrit l’action des Amis de la Terre ?

Ce manifeste expose les racines de la crise écologique et sociale et notre vision des sociétés soutenables. En s’appuyant sur le concept d’espace écologique, nous proposons des alternatives au capitalisme et à la « croissance infinie ».

La CEN nouvelle éducation populaire, éditrice de ce site, de 40 causeries sur radio couleur Chartreuse (et Graisivaudan) notamment active dans l’Avant pays savoyard (dans le Collectif Du TER en AvPS 73, co fondatrice du site-BLOG « Avt Pays avec Tous » (de la démocratie communale en AvPS), du Collectif « Nous voulons des coquelicots » de Pont de Beauvoisin, gestionnaire de la liste de diff « savoie@la-cen.org », membre du Réseau AURA « Eau bien commun », présente dès le début dans le mouvement des gilets jaunes, dans celui contre la  » Retraite par points » (n’en veut point) co fondatrice du nouveau collectif « Non au bétonnage des terres agricoles » contre l’extension de la zone commerciale de la Baronnie (PONT SAVOIE) (« Des légumes, pas de bitume » ; « Des Terres pas d’Hypers » ! ) est adhérentes d’autres associations, locales et nationales.

Elle est le 132 ème membre associé des Amis de la Terre et partage complètement ce Manifeste.

Crise écologique et crise de société

Les dérèglements climatiques, les atteintes à la biodiversité, les pollutions de tous ordres, la dégradation de l’eau et des sols, l’épuisement des ressources naturelles sont les principales formes de la crise écologique. Le modèle économique actuel, capitaliste et productiviste, basé sur la compétition et la croissance, bénéficie à une minorité de la population mondiale, dont le mode de vie, basé sur l’hyper-consommation, ne persiste qu’à la condition du maintien de la majorité dans la pauvreté et la précarité. 

Les projets de développement dit durable, d’économie verte ou dématérialisée, n’échappent pas à cette règle. Les progrès de l’efficacité énergétique sont immédiatement annihilés par l’augmentation de la production et de la consommation. La généralisation à tous les humains du mode de vie dominant, même “vert”, épuisera en quelques décennies les sols, l’eau, les forêts, les principaux minerais et les ressources énergétiques, non seulement sans résoudre le dérèglement climatique, mais en multipliant les risques de conflits majeurs. 

Manifeste Pour des sociétés soutenables

De même, il faut dénoncer la croyance selon laquelle des solutions scientifiques pourraient résoudre les problèmes actuels sans remise en cause du dogme de la croissance. L’énergie nucléaire, les OGM, le stockage géologique du CO2, les nanotechnologies, toutes ces technologies mises en place sans débat démocratique font peser des risques sur la santé et la sécurité des populations, sur les écosystèmes et sur les libertés.

Ce que sont les sociétés soutenables

Pour les Amis de la Terre, il n’y a pas de modèle unique de société. Il y a des sociétés soutenables aussi diverses que les sociétés humaines peuvent l’être, chacune d’entre elles ayant pour impératifs absolus le respect des principes démocratiques, de la justice sociale, économique et écologique, l’égalité des sexes, une culture de paix et d’harmonie avec la nature, et une résolution des conflits fondée sur les méthodes de la non-violence. 

Ces sociétés soutenables répondent chacune à sa manière à deux impératifs : la sobriété dans l’utilisation des ressources, et l’équité dans le partage des ressources, des connaissances et des techniques, au sein d’une même société et entre les sociétés.

Les transitions vers des sociétés soutenables

La mise en place de sociétés soutenables est impérative et urgente. Nous devons expérimenter les moyens d’y parvenir, selon trois niveaux d’intervention indispensables et indissociables : 

  •  le niveau individuel, car rien ne pourra être fait sans la prise de conscience et le changement de comportement de chacun(e).
  • le niveau des alternatives collectives qui contribuent à la mise en oeuvre des transitions.
  • le niveau des politiques publiques, car aucune transition ne sera possible sans la mise en place de lois et de réglementations nationales et internationales promouvant la soutenabilité.

Pour parvenir aux sociétés soutenables, le dogme de la croissance et son indicateur, le PIB, devront cesser d’être une référence absolue. La transition passera, surtout dans les pays riches, par une phase de décroissance de la production et de la consommation, en se libérant de « l’imaginaire de la croissance ».

L’épuisement des ressources naturelles est dû à la surconsommation des plus riches bien plus qu’à l’accroissement de la population mondiale. La viabilité de la vie sur Terre exige cependant une stabilisation de la population. L’expérience montre que celle-ci accompagne toujours la progression des libertés, de l’éducation et des droits sociaux.

Une condition essentielle de la transition est la relocalisation des activités, une relocalisation solidaire, ouverte aux autres sociétés. Relocaliser, c’est fonder l’économie et les échanges sur des liens directs, plutôt que sur l’anonymat et la standardisation ; c’est mettre au premier plan les filières courtes et les productions locales qui peuvent fournir de nombreux emplois ; c’est faire cesser l’exploitation prédatrice de ressources dans des pays lointains. Il ne s’agit pas de « vivre en autarcie », mais de faire en sorte que les échanges internationaux bénéficient à l’ensemble des populations plutôt qu’à quelques firmes ou spéculateurs.

Partout dans le monde, des solutions expérimentales pour une transition vers des sociétés soutenables se développent, du mouvement des Villes en transitions à celui de la simplicité volontaire, des AMAP aux éco-villages. Les Amis de la Terre soutiennent résolument toutes ces initiatives. Mais la transition vers des sociétés soutenables ne pourra s’appuyer sur une simple accumulation d’alternatives, qui ne suffira pas à changer les modes de production et les structures de pouvoir dominants. Des mesures d’envergure globale, affirmant la prépondérance de solutions politiques portées par les citoyens, seront indispensables. 

L’exigence démocratique

L’Etat reste le garant de l’intérêt général face aux intérêts particuliers. Il faut l’amener à jouer son rôle de régulateur, en utilisant les outils les plus adaptés : réglementation, fiscalité écologique, maintien et maîtrise des services publics, éducation tournée vers la solidarité.

Mais l’Etat se trouve aujourd’hui instrumentalisé par les puissances économiques. Face à cette dérive, la démocratie représentative ne saurait suffire. Il faut inventer des formes de démocratie fédérales, relocalisées, participatives, visant à responsabiliser l’ensemble des citoyens. Ces pouvoirs relocalisés se doteront de formes de coopération à toutes les échelles et d’un calendrier d’objectifs à atteindre. Les relations internationales devront elles aussi être réinventées, pour parvenir à une gouvernance au service de la solidarité mondiale, plutôt qu’à celui des intérêts commerciaux, financiers ou nationalistes.

La défense et l’extension des droits, en particulier ceux relatifs aux « biens communs universels », doivent être réaffirmées. Une troisième génération de droits prenant en compte la dimension écologique doit compléter la première génération relative aux droits politiques et la deuxième qui détermine les droits sociaux.

De même, les Amis de la Terre soutiennent l’intervention démocratique des citoyens dans la détermination des politiques de recherche et des choix technologiques, et demandent l’application du principe de précaution et de moratoires sur les technologies à risques.

Repenser l’entreprise et l’économie

Les échecs du communisme ne doivent pas être un prétexte pour masquer ceux du capitalisme et retarder son dépassement. Incapable de prendre en compte les limites de la planète, ce qui le discrédite pour résoudre la crise écologique, il creuse toujours plus les inégalités sociales, ce qui le discrédite pour organiser un partage équitable des ressources. De ce fait, la logique capitaliste ne fait pas partie d’un monde soutenable.

La concentration des grandes entreprises et des banques doit être fortement limitée. Une régulation stricte des marchés, en premier lieu les marchés financiers, des investissements et du commerce est également impérative. Face aux dérives allant jusqu’à l’appropriation du vivant, la propriété privée doit être strictement réglementée selon les impératifs de l’intérêt général. Les formes traditionnelles ou innovantes de droits d’usage et de propriété collective avec usufruit des utilisateurs seront encouragées. Les Amis de la Terre soutiennent toutes les formes d’entreprenariat qui proposent des alternatives au modèle dominant actuel : les petites et moyennes entreprises locales, les coopératives, les associations, les SCOP, les SCIC, les organismes de finance solidaire, etc..

Moins de biens, plus de liens

Les sociétés soutenables ne sont pas synonymes de retour à la pauvreté et de régression. Les innovations et les réalisations personnelles y sont encouragées dès lors qu’elles contribuent à l’intérêt général. L’objectif n’étant plus de croître matériellement, le rapport au temps et le travail peuvent être repensés. Ainsi, les êtres humains pourront se consacrer à une multitude d’activités porteuses de joies et de plaisirs, donnant un sens à la vie. 

Les sociétés soutenables permettront l’expression de la solidarité, de la générosité, de l’honnêteté, valeurs indispensables pour faire face aux épreuves qu’elles rencontreront. Leur construction doit se fonder sur une prise de conscience : celle de la nécessité de ne pas dépasser nos limites (une croissance infinie n’est pas possible dans un monde fini), et s’appuyer sur tout ce qui rend la soutenabilité désirable. Soutenables sur le plan quantitatif, conviviales entre leurs membres, solidaires avec les autres sociétés, respectueuses de la biosphère et de tous les habitants de la planète, ce sont les sociétés que nous voulons.