de Marie Monique ROBIN
message de Marie-Monique Robin (qui a fait le film « le Monde selon Monsanto » sur les OGM) et qui revient sur l’alimentation dans: « Notre poison quotidien ».
Une nouvelle enquête assurément captivante mais aussi certainement effrayante de Marie Monique Robin.
« Lisez jusqu’au bout la recette de la tarte à la cerise version « face cachée » chimique, c’est ahurissant. Je vous souhaite à tous un bon appétit !
Mon film « Notre poison quotidien » a été diffusé le 15 mars sur ARTE, à 20 heures 40. Le même jour mon livre éponyme est paru dans les librairies ainsi que le DVD.
Je commence aujourd’hui une série de papiers qui vont expliquer la démarche que j’ai suivie pour réaliser cette longue enquête qui m’a conduite dans six pays européens (France, Italie, Allemagne, Suisse, Grande Bretagne, Danemark), aux Etats Unis, au Canada, au Chili, et en Inde.
Pourquoi cette enquête ?
Alors que je travaillais sur le passé et le présent peu glorieux de Monsanto et que je découvrais comment depuis sa création au début du XXème siècle la firme n’a cessé de cacher la haute toxicité de ses produits, je me suis posé trois questions:
– Est-ce que le comportement de Monsanto constitue une exception dans l’histoire industrielle ?
– Comment sont réglementées les 100 000 molécules chimiques qui ont envahi notre environnement depuis la fin de la seconde guerre mondiale?
– Y-a-t il un lien entre l’exposition à ces produits chimiques et « l’épidémie de maladies chroniques évitables » que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a constatée surtout dans les pays dits « développés » (les termes que j’ai mis entre guillemets sont ceux utilisés par l’OMS)?
Consciente que le champ d’investigation était très vaste, j’ai décidé de ne m’intéresser qu’aux seuls produits chimiques qui entrent en contact avec notre chaîne alimentaire du champ du paysan (pesticides) à l’assiette du consommateur (additifs et plastiques alimentaires).
Avant d’entreprendre mon nouveau tour du monde, j’ai réalisé un long travail de recherche préparatoire qui a consisté à lire de nombreux livres (une centaine, essentiellement anglophones), rapports, études scientifiques et j’ai rencontré des experts (toxicologues, biologistes, représentants des agences de réglementation), soit directement lors de rendez-vous personnels ou lors de colloques spécialisés.
J’ai aussi consulté les archives d’organisations internationales comme l’OMS ou le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) qui dépend de la première.
Des infos ici : http://robin.blog.arte.tv/category/notre-poison-quotidien/ Marie-Monique Robin
Et pour illustrer et vous couper l’appétit :
La « Recette de la tarte aux cerises »
Voici, la liste des produits chimiques utilisés pour la fabrication d’une tarte aux cerises de supermarché, depuis le champ de blé jusqu’à l’usine agroalimentaire.
Histoire de la Pâte
Pour obtenir la farine, les grains de blé ont été enrobés d’un fongicide avant semis.
Pendant sa culture, le blé a reçu de 2 à 6 traitements de pesticides selon les années, un traitement aux hormones pour raccourcir les tiges afin d’éviter la verse et une dose importante d’engrais: 240 kg d’azote, 100 kg de phosphore et 100 kg de potassium à l’hectare, tout de même !
Le blé moissonné, dans le silo, après récolte, les grains sont fumigés au tétrachlorure de carbone et au bisulfite de carbone, puis arrosés au chlopyriphosméthyl.
Pour la mouture, la farine reçoit du chlorure de nitrosyle, puis de l’acide ascorbique, de la farine de fève, du gluten et de l’amylase.
Ensuite, il faut faire lever la pâte. La poudre levante est traitée au silicate de calcium et l’amidon est blanchi au permanganate de potassium. Pas de pâte sans corps gras.
Ceux-ci reçoivent un antioxydant (pour éviter le rancissement) comme l’hydroxytoluène de butyle et un émulsifiant type lécithine.
Histoire de la Crème
La crème sur laquelle vont reposer les cerises se fait avec des œufs*, du lait**, et même de l’huile***.
*Les œufs proviennent d’un élevage industriel où les poules sont nourries avec des granulés contenant des :
– antioxydants (E300 à E311)
– arômes
– émulsifiants: alginate de calcium
– conservateurs : acide formique
– colorants : capsanthéine
– agents liants: lignosulfate
– et enfin des appétant : glutamate de sodium, pour qu’elles puissent avaler tout ça.
Elles reçoivent aussi des antibiotiques, bien entendu, et surtout des anticoccidiens.
Les œufs, avant séchage, reçoivent des émulsifiants, des agents actifs de surface, comme l’acide cholique et une enzyme pour retirer le sucre du blanc.
** Le lait provient d’un élevage industriel où les vaches reçoivent une alimentation riche en produits chimiques :
– antibiotiques : flavophospholipol (F712) ou monensin-sodium (F714)
– antioxydants : ascorbate de sodium (F301), alpha tocophérol de synthèse (F307)
buthyl-hydrox-toluène (F321) ou éthoxyquine (E324)
– émulsifiants : alginate de propylène-glycol (F405) ou polyéthylène glycol (F496)
– conservateurs : acide acétique, acide tartrique (E334), acide propionique (F280)
et ses dérivés (F281 à E284)
– composés azotés chimiques : urée (F801) ou diurédo-isobutane (F803)
– agents liants : stéarate de sodium
– colorants : F131 ou F142
– et enfin des appétant pour que les vaches puissent manger tout ça, comme le glutamate de sodium.
*** Les huiles, quant à elles, ont été :
– extraites par des solvants comme l’acétone
– puis raffinées par action de l’acide sulfurique
– puis lavage à chaud
– neutralisées à la lessive de soude
– décolorées au bioxyde de chlore ou au bichromate de potassium
– et désodorisées à 160°C avec du chlorure de zinc
– Enfin, elles ont été recolorées à la curcumine
La crème de la tarte, une fois fabriquée, reçoit des arômes et des stabilisants comme l’acide alginique (E400).
Histoire des Cerises
Complété d’après des éléments de « Aromathérapie » Jean Valnet 1990, Maloine.
Les cerisiers ont reçu pendant la saison entre 10 et 40 traitements de pesticides selon les années. Les cerises sont :
– décolorées à l’anhydride sulfureux et recolorées de façon uniforme à l’acide carminique ou à l’érythrosine.
– Elles sont plongées dans une saumure contenant du sulfate d’aluminium et à la sortie, reçoivent un conservateur comme le sorbate de potassium (E202).
– Elles sont enfin enduites d’un sucre qui provient de betteraves qui, comme les blés, ont reçu leur bonne dose d’engrais et de pesticides.
Ce sucre est extrait par :
– défécation à la chaux et à l’anhydride sulfureux,
– puis décoloré au sulfoxylate de sodium,
– puis raffiné au norite et à l’alcool isopropylique.
– Il est enfin azuré au bleu anthraquinonique.
Par ces traitements, les cerises ayant donc perdu tout leur goût, il est nécessaire d’ajouter un parfum artificiel alimentaire. Ce parfum est une recréation synthétique du goût et de l’odeur à partir d’éléments artificiels issus de la chimie du pétrole aux prix de revient extrêmement faibles (par économie d’échelle) en comparaison du parfum naturel des fruits.
L’exemple développé est ici la cerise, mais de tels composés servent à recréer aussi bien des parfums artificiels de fraise, d’ananas, de framboise, de miel, de caramel, de muguet etc.
Le parfum artificiel de cerise se compose donc des molécules synthétiques, à la stéréochimie inversée suivantes :
– acétate d’éthyle
– acéthyl méthylcarbino
– butyrate d’isoamyle
– caproate d’éthyle
– caprylate d’isoamyle
– caprate d’éthyle
– butyrate de terpenyle
– géraniol
– butyrate de geranyl
– acetylacetate d’éthyle
– heptanoate d’éthyle
– aldéhyde benzoïque
– aldéhyde p-toluique
– vanilline
– essence artificielle d’amande amère SAP
– essence artificielle de girofle Bourbon
– essence artificielle de cannelle Ceylan
– essence de lie de vin
Ce texte, consacré à « la tarte aux cerises de supermarché » a été rédigé par Claude Bourguignon, un ingénieur agronome qui travailla à l’INRA, avant de quitter l’honorable maison pour cause de désaccord. Spécialiste de la microbiologie des sols, c’est lui qui démontra, pour la première fois, que les sols cultivés à grand renfort d’engrais chimiques et de pesticides, étaient biologiquement … morts. Tout ce qui fait la vie, et donc la qualité des terres, à savoir les populations microbiennes et fongiques, est détruit par les produits chimiques, conduisant à une perte des nutriments et à l’érosion des sols. Membre de la Société américaine de microbiologie (en France, il n’y a plus aucune chaire de microbiologie des sols, y compris à l’INRA !), Claude Bourguignon a créé avec sa femme le Laboratoire d’analyse microbiologique des sols, qui intervient dans de nombreux pays, pour aider les agriculteurs à retrouver la fertilité de leurs sols.
Cordialement MM R