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Mis dans la peau de rapporteurs de l’ONU des lycéens d’Annecy ont simulé la résolution de problèmes planétaires et, du coup, sont intervenus dans un séminaire international
Colette Charlet
(Quand dans l’institution, est ouverte une fenêtre « éducation « nouvelle », voir son atelier d’écriture avec les lycéens : http://www.librinfo74.fr/2017/05/quand-les-lyceens-jouent-avec-les-mots-pour-changer-le-monde/)
A quoi servent les institutions internationales ?
Depuis 2015, une équipe d’enseignant(e)s de plusieurs lycées ont été conviés à y réfléchir.
Ainsi, durant 2 jours a été organisée une simulation de conférences de l’ONU : les élèves sont mis dans la situation de résoudre un certain nombre de problèmes.
Durant deux ans, elles ont porté sur la question des migrants et en cette année 2017, sur l’Afrique.
Quel dispositif ?
Des groupes d’élèves représentent des pays, des institutions internationales. Ils endossent le rôle de responsables comme celui de secrétaire général de l’ONU, de rapporteur sur la question …
L’objectif est de s’emparer des problèmes, de récupérer les données, de construire des solutions et de présenter des résolutions en conférences (simulées) de l’ONU.
Une équipe assure le rôle de journalistes, filme, photographie, écrit des articles, afin de réaliser un journal du NUSAB et de le publier.(sur libre info
La simulation (voir sur le site de la Cen) est une démarche pédagogique de mise en situation de co construction ou de fabrication de problématiques de solutions notamment en géopolitique en permettant d’impliquer « à fond » les jeunes qui s’ennuient au fond des cours magistraux, de faire entendre leur voix, comme Korczak le fit en son temps avec « La petite Revue » journal réalisé par les orphelins de son Institut à Varsovie avant guerre (tapez Korczak, vous y trouverez comment il a été conduit par les nazis au crématoire avec tous les enfants)
Une militantes de l’éducation nouvelle et membres d’un média citoyen local, le Petit Journal, était donc bienvenue pour les accompagner lors de la réalisation du journal, sans faire à leur place.
Cela n’était pas nouveau, car des journaux lycéens existent comme celui du lycée Baudelaire de Cran-Gevrier : « Les Insolites de Charles », qu’ils ont fait connaître lors des séminaires de Genève.
En 2016, juste après le NUSAB (démarche de simulation de l’ONU), sur la proposition de Colette Charlet, de l’Association Korczak, du Gfen et amie de la Cen (nouvelle éducation populaire), des élèves furent intéressés par le Séminaire International de l’Association Internationale Korczak, qui se tenait à la Mission Polonaise des Nations-Unies à Genève et qui portait justement sur la question des migrants.
Un groupe de jeunes venant de 2 lycées d’Annecy y portèrent leur travail. Ce fut l’occasion de certaines prises de conscience…
Puis, il y eut un congrès de la Paix, organisé par la Ligue des Droits de l’Homme, sur Annecy, en Mars 2017, où des jeunes de lycée furent conviés.
Mais là, on ne leur donna pas la parole Ce fut une succession de conférences .
Certains et certaines vinrent la voir lui faire part de leur déception, sachant qu’elle avait été présente au NUSAB 2016 y animant des ateliers d’écriture autour des questions de la culture de paix. C’est un sujet qui les préoccupe. Ils lui en firent la demande.
Après le NUSAB 2017 en avril dernier, Colette Charlet les informa du travail réalisé par des lycéens du lycée autogéré Jacek Kuron, à Varsovie sur ces questions. Elle fit la proposition d’ un atelier poésie et arts graphiques : « Calligrammes et Culture de paix » .
Comme il fallait les « responsabiliser », elle leur proposa qu’ils portent leurs productions à la connaissance des personnes assistant au Séminaire International, comme en 2016, à la Mission Polonaise des Nations-Unies, à Genève. Ils seraient les bienvenus et pour ce faire leur demanda de rassembler au moins 10 personnes.
Les paris furent tenus, puisque ils étaient 12 pour cet atelier qui s’est tenu le 20 Mai, à la bibliothèque d’Annecy. Au cours de l’analyse de leur vécu, des questions émergèrent , en particulier : pourquoi de telles activités n’ont- elles pas lieu à l’école ? Et là furent dévoilés les engagements dans l’éducation émancipatrice de C Charlet et l’histoire de sa famille polonaise, habitant le même quartier déshérité que l’orphelinat de Januz Korcsak…..
Ils n’hésitèrent pas à venir à participer aussi nombreux au séminaire le 10 Juin, s’organisant pour les transports.
S’il y eut cette dynamique, c’est qu’ils étaient avaient été mis en situation de construire de façon autonome et en collectifs coopératifs, des réponses à leurs questions, c’est qu’ils étaient en possibilité de faire par eux mêmes un travail intellectuel de mise en relation des problèmes du monde et de pouvoir agir du moins à minima prendre la parole ces actions auxquelles ils pouvaient participer en y prenant la parole…
« Faites en vos égaux afin qu’ils le deviennent » disait déjà (sublimement) JJ Rousseau…
A chaque fois sur les visages se lisait la satisfaction, et même une certaine fierté de réussir sur des sujets ardus et de « politisation » grâce à une action simulée puis une participation réelle dans une rencontre
C’est pourquoi avec parfois un peu d’appréhension, ils osèrent intervenir en anglais, lors des débats avec des « experts ».
De tels projets dans la durée, sont des leviers pour des changements intellectuels et moraux, pour « fabriquer » des acteurs des changements, transitions, résistance, lutte, et alternatives dont la société humaine confrontée à l’addition des périls voire des effondrements, a tant besoin…
Colette Charlet du GFEN et de l’association Kortczak
avec quelques interstices d’André Duny ancien responsable et animateur du GFEN national et jadis, en Haute Savoie et autres
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De là, à une pédagogie populaire ? NOTRE COMMENTAIRE
(1) l’école, le cours, le mérite et l’élitisme républicain laminent les élèves de milieu populaire ?
(2) Sur les écoles « alternatives », « démocratiques », d’éducation nouvelles …mais pas populaires ?
(3) Petits gestes individuels ou mobilisations populaires ?
(4) Sur la problématique « transformation individuelle et transformation du monde »
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(1) l’élitisme républicain
On le voit sur cet exemple : des situations de projet collectifs « élèves » sont créées par des militants pédagogiques enseignants qui ouvrent aux étudiants des chemins d’émancipation personnelle grâce aux dynamiques collectives ambitieuses (*) qu’ils organisant dans les rapports avec le monde réels hors du champ clos institutionnel et de ses normes normalisantes (non institutionnalisantes)
C’est justement grâce à leur implication sociale, « citoyenne », écologique dans le monde du quartier à la planète, qu’ils peuvent faire pièce au système, ouvrir des alternatives au jeu fané d’une institution en bout de course non seulement par sa libéralisation en marche, voulue par le marché de l’éducation et l’état en quête d’austérités mais aussi de par la fatigue générale de fonctionnaires issus des couches privilégiées et assis sur les méthodes d’un autre temps…
En effet, ce n’est pas seulement le système qui entre en classe le matin face aux jeunes en proie aux colonisations mentales du libéralisme dominant et ses séductions aux joujous portables…
C’est aussi une personne de la classe moyenne !
Dans la manière d’exercer son métier d’éducateur, rien ne se passe sans faire confiance aux « élèves » sans « organiser » la coopération et le questionnement, sans créer les dynamiques pour produire le savoir comme instrument d’action et non comme objet, entr’autres de légitimation, sans construire ces savoirs dans des recherches actions sur le milieu extérieur à l’institution, sans poser des situations qui chassent le dogmatisme, les certitudes révélées (sur la croissance infinie ou le développement durable (oxymore) ou le ruissèlement, ou le fatalisme, ou… ) bref sans « allumer le feu de la curiosité »…(Aristophane) …et de l’autonomie de penser.
Rien ne se passe si l’exercice c’est juste de « faire cours »!
Alors la fonction enseignante éteint les envies, et génère de l’agitation sans perspective.
Mais surtout elle légitime que les perdants ne doivent s’en prendre qu’à eux mêmes (des « fainéants » qui ne saisissent pas les opportunités de réussite individuelle) en ignorant ou feignant d’ignorer que l’ambiance collective et le contexte poussent les perdants à se retirer de la compétition, elle légitime les gagnants comme si leur réussite était intrinsèquement individuelle, au mérite, aux dons, alors qu’ils courent avec leurs entraîneurs, ont le soutien de leurs coach, dont le groupe familial , relations sociales, argent, culture de l’école si proche de la leur, tout ce social et culturel caché et collégialement mobilisé qui leur permet d’ajuster de meilleurs scores individuels, et d’entrer en noblesse d’état comme tous nos chefs d’état, et élites légitimées à gouverner le peuple…
C’est là que je regrette que la pimpante POLONY ait une vision républicaniste élitiste alors que par ailleurs elle s’oppose au « néolibéralisme » et que le programme des insoumis ne dit pas qu’il faudrait recruter de tout autres profils d’éducateurs notamment parmi des forces vives de la société s’étant manifestées dans des alternatives et non de bons élèves issus des classes moyennes et bourrés de diplômes.
« L’homme libre ne doit rien apprendre en esclave » Platon, La République,VII.
« Un enfant obéissant, facile, c’est le rêve de tout éducateur. Mais pense-t-on jamais à cet homme veule et lâche qu’il risque de devenir ? » Janusz Korczak
Nous n’avons pas besoin d’une élite éclairée, mais d’un peuple éclairé »Alain
(2) Les écoles « alternatives »
A noter : de 300 euros le mois (école du Colibri, 07) soit 25 000 minimum (pour l’école maternelle et élémentaire, à 800 euros (Montessori ) soit 65 000 €, les parents de l’élite savent se saisir des éducations « alternatives » pour épanouir leurs rejetons afin qu’il affronte en confiance (en soi) la grande compétition . Certes, ce n’est pas le but avoué…qui est de faire échapper au stress scolaire …et de coopérer, mais ça fonctionne ainsi en logique libérale. Bien sûr , ces écoles sont des chantiers de recherches de méthodes qui interrogent la démocratisation d’état en panne gravissime (enquête Pisa, France pays le plus inégalisant !!!)…et qui explorent la démocratie culturelle (créativité)
Selon nous , elles sont plus utiles aux élites et peu efficace avec les publics populaires pour lesquels il serait bon de revoir de fond en comble ces méthodes (voir grille de lecture sur ce site) …sachant qu’existent aussi (trop peu) d’écoles nouvelles peu chères conventionnées avec l’état (taper ANEN) dont les méthodes et contenus sont largement meilleures que dans l’école « normale »
« Les outils du maître ne serviront jamais à démanteler la maison du maître »
Proverbe afro-américain
(3) Petits gestes ou mobilisations collectives ?
On le sait la modification du rapport des forces pour contraindre les incendiaires à stopper ne dépendent pas de petits gestes de gentils colobris individualistes se préparant en chambres à être bienveillants entre eux et à se bouger individuellement comme si l’addition des gestes pouvait ispso facto éteindre la furie des flammes, comme si le tout n’était qu’une addition des parties, alors que c’est le tout (le système) qui organise les parties et qu’il convient de le bouger avec une énergie transversale aux parties, et que, même au local,où fonctionne le système global, il conviendrait de faire aussi mouvement collégial, assemblée horizontale, pour avoir une chance de changer de logique systémique, de ne pas se satisfaire de mini actions humanistes, ou résistances, mais d’oser susciter des dynamiques collectives contre le saccage local par des intérêts privés financiers globaux, de se politiser pour prendre le pouvoir local plutôt que réclamer un strapontin participatif qui ne change rien…
Mieux valent des escadrilles de Canadairs, autrement dit des mouvement de résistance (contre les multinationales du charbon par exemple) des luttes de masse , des alternatives anti système et non la ripolinisation ou le greenwashing, sous des formes variées joyeuses (vélorutions, villages des possibles ou d’Alternatiba, mais avec débats de fond sur la propriété et le pouvoir et non avec les seules allées de stands) ou plus grave de mise en mouvement collectif, de politisation générale (cf cantines bio 100% avec préemption de terres arables périphériques qui ont modifié dans quelques communes la donne face aux enjeux)
« Dans la vie il n’y a pas de solutions, mais des forces en marche. Il s’agit de les développer et les solutions suivent »Antoine de Saint Exupéry
(4) transformation individuelle et transformation du monde
C’est à l’intérieur de dynamiques collectives que se génèrent le mieux les changements personnels de fond (intellectuels mais aussi moraux) des individus, leurs insubordinations ou non collaborations, que s’épanouissent le plus pleinement leurs potentiels d’intelligence citoyenne, de générosité, d’enthousiasme et de solidarité dont les catastrophes qui s’en viennent en escadrilles ont besoin pour être parées ou du moins atténuées. (2)
L’incendie ce sont les multinationales, banques, agro alimentaires, énergéticiens des fossiles, etc etc soutenus par les politiciens et l’état, l’Europe et les USA, avec ou sans Trump, et –aussi-la collaboration inconsciente de tant de gens « de la base » ou de la classe moyenne , ne serait ce que par leur silence complice (cf le scandale sexuel à Hollywood, l’impunité du puissant producteur Weinstein), le pantouflage peinard « at home » , le consentement à l’imbecillisation par la TV les merdias, et autres publicités,…au moment des luttes et protestations dans le monde –climat-nucléaire-énergies fossiles-finance folle-paradis fiscaux-désastre sanitaire… qui ravagent les sociétés humaines et leur planète
Alors, pourquoi, l’école et ses enseignants/tes n’agissent ils pas de la sorte ? Pourquoi mettent ils le monde réel et ses plus dramatiques périls : réchauffement, bulle financière, empoisonnement général, croissance exponentielle des inégalités, extinction massive ? explosion de l’autisme ? guerres, pillages industriels des multinationales et massacres…. entre parenthèses ?
Paulo Freire « Pédagogie des opprimés »)
« Personne ne libère autrui, personne ne se libère seul, les Hommes se libèrent ensemble…par la médiation de leur commune action de transformation du monde »
Karl Marx
Si le prolétaire ne s’enlève pas la vieille merde du vieux monde qui lui colle à la peau demain sera comme aujourd’hui »
André Duny