Fraude et évasion fiscale en France : 60 milliards ? Non !

 200 milliards par an !!!!

L’estimation la plus répandue de l’évasion fiscale est de 60 à 80 milliards d’euros de manque à gagner annuel pour les finances publiques. C’est énorme, mais ces chiffres sous-évaluent fortement le phénomène de « fraude et évasion », comme le montre dans un texte de février 2017 l’un des meilleurs spécialistes de la question, Gérard Gourguechon, ancien secrétaire général du syndicat national unifié des impôts.

DES ESTIMATIONS MINORÉES

On distingue souvent l’évasion fiscale illégale (dans les paradis fiscaux), qui est une forme de fraude, la fraude fiscale nationale (par exemple, la fraude à la TVA, à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu), et l’optimisation fiscale (légale, mais en général illégitime selon des critères de justice).
Pas facile de mesurer les fraudes ! Il existe pourtant des méthodes pour obtenir des ordres de grandeurs, qui ne peuvent être que grossiers. Pour être plus précis, il faudrait de lourdes enquêtes. Mais, allez savoir pourquoi, les pouvoirs politiques n’en lancent pas…
Le mieux est de partir des résultats des contrôles fiscaux effectués chaque année sur un très faible pourcentage d’entreprises (environ 2 %) et de ménages, et de tenter d’extrapoler avec prudence. Sans entrer dans la technique, utilisons un chiffre officiel de l’administration, qui s’est félicitée d’avoir récupéré 16 milliards de fraude des seules entreprises au titre de l’année 2015. Si la fraude totale annuelle était d’environ 80 milliards, chiffre fréquemment avancé, cela voudrait dire qu’en contrôlant seulement 2% des entreprises on parviendrait à récupérer 20 % de la fraude ! C’est parfaitement impossible. Il est donc certain que le montant – inconnu – de la fraude et de l’évasion est nettement supérieur à 80 milliards d’euros. Peut-être le double ou le triple.

PHÉNOMÈNE DE MASSE

Pour Gérard Gourguechon, « la fraude et l’évasion fiscale sont … un phénomène de masse (probablement plusieurs centaines de milliards d’euros chaque année pour la France). »
Que faudrait-il faire ? Des propositions syndicales sérieuses existent pour la fraude, et d’autres pour l’évasion « paradisiaque ». On les trouve dans le texte de G. Gourguechon et dans un gros rapport syndical. La première des choses serait de renforcer très fortement les effectifs des agents du contrôle. Or c’est exactement l’inverse qui s’est produit depuis 2002. Entre 2002 et 2016, la Direction Générale des Finances Publiques a perdu 37 600 emplois, supprimés au motif que la masse salariale de la Fonction Publique pèse trop dans le budget de l’État. S’agissant d’emplois qui rapportent infiniment plus qu’ils ne coûtent, l’argument est cocasse !
Comme il est clair que le nouveau locataire de l’Élysée ne fera pas mieux que ses prédécesseurs dans ce domaine, lié comme il est aux réseaux bancaires et au MEDEF, il ne faut compter que sur les mobilisations civiques, citoyennes, sociales et politiques. Elles sont déjà nombreuses et efficaces.
* Une version courte de ce billet a été publiée par Politis il y a quelques semaines. Je l’ai complétée et actualisée.

SOURCES

Rapport du Syndicat national Solidaires Finances Publiques « En finir avec l’impunité fiscale » (rubrique publications)
ATTAC, mars 2017 : « Petit guide pour en finir avec l’évasion fiscale »
OXFAM : formidable travail, publié en mars 2017 et dont je reparlerai : « Banques en exil, comment les grandes banques européennes profitent des paradis fiscaux », 52 pages.

Et sur les paradis fiscaux, voir le livre, qui continue de marcher très fort, d’Alain et Éric Bocquet « Sans domicile fisc » (septembre 2016, éditions Le Cherche Midi). Debout !

Blog de Jean GADREY. Merci à lui !