Devant “Cash investigation” de ce mardi soir, 26 septembre, sur la 2, je dois dire (voir autre article sur une journée d’imbécilisation sur la 2 sur cette même semaine ) que “Travail, ton univers impitoyable” fait de la bonne investigation et, même si ce n’est pas son but, contribue à la conscientisation à l’extrême toxicité du salariat en régime capitaliste.
Ainsi :
En grandes surfaces (en cause sur ce coup : LIDL où la pression sur les salariés est insupportable : le “préparateur de commande” (vocale dans le casque !!) doit porter 8 tonnes de charges par jour , 2 218 licenciés récemment, et seulement 22 reclassés, suite au diagnostic de la médecine du travail pour “inaptitude au poste” et un suicide récent sur le lieu de travail
Chez les grands opérateurs de téléphonie (sur ce coup FREE, après les 40 suicidés d’ex France télécom Orange) “Nous liquiderons les 50 détracteurs” d’un Centre d’appel en grève écrit la DRH tout sourire…et la grève a cessé…après les licenciements.
Deux mauvaises entreprises ?
Mais non, deux miroirs grossissants d’un système, celui de la propriété privée c’est à dire du Capital en contexte de concurrence globalisée, qui se rétribue par le versement à ses actionnaires de 60% (en moyenne) du profit réalisé sur le travail de leurs salariés aux temps où la finance a pris les rennes, où le taux de profit décline, où la concurrence mondialisée est la plus rude, où les ressources fossiles et naturelles se raréfient …
Si on peut juger sur des indicateurs fiables de cette condition du salariat, il suffit de taper taux de burn out en France ou nombre de salariés sous tranquillisants ou nombre de ruptures conventionnelles (400 000/an) ou enquêtes de satisfaction au travail…
Si LIDL et FREE ont plus abusé, ils l’ont fait sans ennui, maîtres tout puissants chez eux, contournant la loi, via leur lobbying intense, avec un état impuissant à les mettre à la loi. Comme il semble impuissant avec les fleurons industriels : Alstom passe sous la coupe d’Arthur Martin, la CGE, jadis constructeur naval, de téléphonie, de trains, de signalisation,de centrales nucléaires…du temps où l’Etat pilotait un tantinet l’économie, pour le meilleur et le pire
Et pour autre cause : combien d’inspecteurs du travail ? 3200 ! Combien d’entreprises 3 200 000 ! Comment faire ?
Ce que l’émission a le mérite de nous mettre sous les yeux c’est la distorsion des paroles d’enfumage des gestionnaires et les actes de leur société ce qui peut susciter chez le télé-spectateur une indignation (pas suffisante) et sans doute un début de conscientisation…Mais il reste beaucoup de lectures à faire !
Ainsi les Sociétés d’autoroutes sont elles pavées d’or (le Canard) mais arguent de leurs travaux, les pétroliers forent dans l’Arctique quand il faudrait abandonner les fossiles , les constructeurs de diesels nous enfument depuis les débuts (c’est le thème du prochain cash mardi 3 octobre), les géants de l’agrochimie, producteurs de glyphosate cancérigène, et comme our l’Amiante et tant d’autres, arrivent à retarder les mesures règlementaires avec l’appui des gros agriculteurs de la FNSEA intoxiqués à un mode de production qui empoisonne la nature, les humains et leur conscience
Or, les mouvements ouvriers des 19è et 20è siècles ont contraint les puissants à transcrire dans la loi nombre de règles protectrices et obtenu les assurances sociales (socialisation de 40% du salaire et d’une part patronale, pour la “sécu” gratuite du moins ce qu’il en demeure)
Ce sont les luttes qui ont créé un rapport de force qui a permis la construction d’un “modèle social” français qui a, jusqu’ici, atténué les effets, sur les plus pauvres du capitalisme en phase ultra
Osons le répéter le mode de production qui a colonisé tout l’espace politique (l’état) et la société (civile y compris) repose sur la propriété privée actionnariale des moyens du crédit, de la production, du commerce, et sur le marché concurrentiel des biens et services désormais à l’échelle mondiale (idéal : le libre échange)
Dans la production : un salariat robotisé dans des tâches répétitives et imbécilisantes (peu de contrôle et d’initiative donc peu de développement de l’intelligence qui requiert liberté d’agir et réflexion, lectures et échanges…)
Et dans la sphère dite du loisir, de la consommation, de la culture, de la société civile et politique ?
En direct (publicité, télévision, médias) ou insidieusement (par les technologies numériques des grands opérateurs, les GAFAM) le système cherche hors de l’entreprise, à conformer les individus (qui se sont ennuyés au travail) à des comportements consuméristes (massifs) pour écouler sa production (de masse) et donc réaliser les profits (privé) attendus.
Pour ce faire, il a su “coloniser les imaginaires” , c’est à dire s’adresser aux désirs inconscients pour les tourner vers des achats, des satisfactions matérielles, des spectacles , au total offrir un “bonheur conforme” compensant par une aliénation à la marchandise et au spectacle les dépossessions dans le travail (perte du contrôle sur la machine qui dicte l’à faire routinier, perte du but, perte du sens ).
Et en sus il sait se faire du bonus partout, tant la libre initiative permet aux plus dotés en capital économique ou social ou scolaire d’investir des opportunités d’enrichissement personnels, y compris dans la réparation des externalités négatives qu’il produit sur l’environnement…
Alors seule la propriété privée et la domination qu’elle génère sont oppressantes ?
La machine disent les “productiviste” est en soi ni malfaisante ni aliénante, si elle est bien utilisée elle est source de progrès
Est elle neutre et innocente aussi bien dans le travail que dans le loisir ?
Or, par ses caractéristiques propres n’est-elle pas l’expression d’une organisation technique mais aussi sociale, d’une vision de la vie humaine et du devenir sociétal, n’est-elle pas conçue dans l’esprit même du système pour fonctionner comme instrument de domination sur d’autres êtres humains.
Selon nous ça été le mérite de l’émission de montrer combien la technologie était aussi aliénante que le pouvoir hiérarchique dans l’entreprise.
Il est facile de le voir sur un autre exemple actuel, celui des relations avec l’administratiion : au lieu d’avoir à faire à des fonctionnaires vivants pouvant débrouiller une situation complexe, l’on doit désormais se débrouiller avec un site .gouv pour faire ses papiers, la machinerie nous soumettant à ses injonctions numérisées , nous humiliant en direct quant à notre manque de maîtrise. Au total nous faisons l’expérience de notre impuissance et de notre déshumanisation ! (et cet outils a servi à supprimer plus de 3000 emplois dans les préfectures !)
Donc le capitalisme propriétaire du moyen de production a aussi le contrôle des techniques et par elles aussi indirectement il organise la vie des gens. Elles génèrent des processus de formatage ou de domestication ou d’aliénation des individus dans et hors l’entreprise.
Le capitalisme est un totalitarisme, ce qui n’innocente en rien le soviétisme productiviste du travail à la chaîne (qui devait être bon pour le travailleur socialiste) du commandement hiérarchique ,du contrôle social généralisé, de la psychiatrisation des opposants, qui est advenu après leur élimination physique ).
Si l’organisation du travail capitaliste limite l’autonomie mentale du travailleur et cherche à le domestiquer (du travail à la chaîne au travail sur ordinateur en banque, des centres d’appel vus dans Cash à la cadence imposée par la commande numérique en grande surface, mise en lumière dans l’émission) la hiérarchie dans l’entreprise neutralise les velléités de révolte par le licenciement des meneurs (ça peut être aussi une promotion comme on l’a connu personnellement à Amazone Montélimar)
Hors du travail la triviale poursuite par la technologie continue.
L’envahissement des écrans et donc de la communication virtuelle entretient l’extrême solitude connectée, réduisant l’espace des vraies rencontres, des projets vivants et collectifs puisque l’individu, rivé à ses écrans où circulent un salmigondis de tout et rien, est sollicité à réagir dans l’instant, à envoyer un “like” ou un “je signe” se donnant ainsi l’illusion de l’action et de l’information, d’où l’impact des technologies sur les psychologies et les comportements, dans le sens individualisme et soumission.
Certes l’utilisation militante des réseaux sociaux contribue à contrario à la circulation des informations, à la bataille de la communication à coup d’images, et aussi à amplifier et mieux organiser la mobilisation collective.
Mais ce ne sont pas eux qui la font plutôt un travail de longue haleine, de proximité, les luttes concrètes, les mobilisations collectives, les expérimentations alternatives, l’éducation populaire, les échanges vivants, les débats et de batailles d’idées, comme il est ressorti des études sur le printemps arabe en Tunisie.
La classe dominante propriétaire domine aussi le champ du politique …
qui a en charge “l’intérêt général” , car elle a su dès le 19è siècle s’assurer par le système de la représentation parlementaire, censitaire d’abord puis généralisée, que ses intérêts vitaux ne seraient jamais menacés…Etant aussi propriétaire des moyens de la production intellectuelle, médiatique publicitaire bref de tout ce qui peut assurer une élection de ses candidats, il lui suffit de mettre le paquet. L’élu ensuite rendra le service à qui l’a fait élire. Tant de passage dans les média tant de voix. En outre, les partis sélectionnent parmi les battants ceux issus de la noblesse d’état (grandes écoles), ceux ayant déjà souvent pantouflé dans l’économie préparant ainsi les bonnes décisions publiques favorable à l’entreprise, et qui y retournent riches d’un carnet d’adresses si utile à son développement…
Le système de la démocratie (libérale) c’est essentiellement la désignation par le peuple de ses maîtres (élus) au lieu de la construction de la loi par tous (en commissions ou par tirage au sort) si les règles du jeu ont pu être fondées par une constituante désignée par le tirage au sort pour éviter que les Hommes du pouvoir et de la finance et des classes moyennes (à leur service) n’écrivent les règles du pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple)
Le système politique libéral-capitaliste organise ainsi l’impuissance politique du peuple (peuple au sens de souverain législateur et au sens de la majorité populaire qui vit d’un travail) et il permet toutes les accointances (y compris mafieuses) des représentants (classes moyennes prompt à pactiser ) avec les puissants actionnaires qui gèrent et la production matérielle et la production intellectuelle.
Les élus, n’ont ils pas remis les clés de la création monétaire aux mains des banques privées en 1973 ? N’ont-ils pas abdiqué la souveraineté politique du pays avec l’Europe de Maastricht ? Ne se sont ils pas entendus pour néantiser les voix majoritaires de leurs électeurs en 2005 ? Ne viennent-ils pas d’abdiquer la souveraineté juridique de l’état face aux multinationales avec la signature du CETA ?
le pouvoir politique était jadis plus représentatif, le mouvement ouvrier offensif l’obligeant à composer avec un rapport des forces plus favorable aux dominés qu’aujourd’hui, et dans l’entreprise et dans la société, alors que le capitalisme financiarisé a sur étendre sa domestication non seulement sur les travailleurs mais aussi sur tous les individus de la société civile et politique.
Le nouveau c’est que le gouvernement Macron (rappel 23% des inscrits dont 40% par rejet de Lepen) est en train de casser les protections et de libéraliser, comme Tatcher, mais avec la flamboyance à double langage d’un Blair et avec 300 députés LREM dont 40% de députés issus directement du patronat ou de l’entreprise à l’exemple emblématique de la ministre du travail ex DRH de Danone “notre” fleuron agro alimentaire et qui , rompue à la logique du système, a su engranger plus d’un million d’euros en une journée en revendant les actions de Danone suite à un plan de licenciement de centaines de salariés qui a fait bondir le titre ? Il donne plus d’aisance aux PDG pour se séparer de leurs “collaborateurs” à moindre frais aux prudhommes, pour négocier par entreprise des “contrats” moins contraignants que les lois, sachant que le contrat suppose deux entités égales, et non un rapport de force…qui ne peut manquer d’exister face à un propriétaire, maître à bord dans son entreprise, alors que 8 millions sortis du marché du travail attendent dehors, que la pauvreté s’étend, que la sécu est peu à peu démantelée par la CSG et devient peu à peu payante…et le reste à l’avenant comme la suppression d’encore 13 milliards de dotations aux communes sachant qu’Hollande en avait déjà supprimé 28 milliards, ceci amenant les collectivités à tailler dans les budgets sociaux , ceux de la culture et des besoins populaires…
La “2” ne va pas décrire que c’est tout un système économique croissanciste et destructeur social humain (imbécilisation) et environnemental, tout un système technicien, tout un système institutionnel de gouvernance “libérale” et tout un système culturel de divertissement et de distraction (voir sur ce site ma journée de vide et d’imbécilisation sur la chaîne publique la 2).
Mais c’est aussi l’accélération du temps que le système et son marché organisent entr’autres par l’intensification du travail, par les techniques du management, par la ségrégation spatiale et les transports urbains, par le TGV et l’avion, par la culture du tout numérique, par les médias aux distractions qui s’enchainent, par les smartphones qui scandent le quotidien,..bref le capitalisme global (et pas seulement mondial) tente de s’assurer le contrôle non seulement des salariés mais aussi hors salariat, des individus de la société civile via leurs cadre de vie
Plus le temps est compté plus la prise de décision doit être faite rapidement et plus elle devient machinale, irréfléchie, instinctive et le désir seul convient ” l’intégrité physique et psychique du travailleur et de l’individu social se dégradent, ..plus la santé, l’autonomie de pensée et d’action de millions de gens se dégradent…” (Comprendre l’écologie politique p93)
Plus ils s’affaiblissent et plus il sont facilement dominés, ce que savent parfaitement les dominants qui y ont donc tout intérêt !
On le voit l’analyse de Gramsci qui voyait dans la culture de masse le premier outil pour obtenir la soumission doit être prolongée.
Si pour lui la culture de masse provenant des USA provoque une conscience « confuse et fragmentaire » qui infecte la pensée et les comportements de la population, et si l’État du coup peut se permettre de “moins durcir les formes de coercition pour exercer sa domination” , si la conquête de l’hégémonie intellectuelle et morale pour un monde “post capitaliste “et résilient , résistant aux catastrophes qui menacent est toujours vital, aujourd’hui il est encore plus difficile qu’avant hier, de faire que les gens connaissent leur propre histoire, pour qu’ils prennent conscience des forces qui les contrôlent en voyant “la longue continuité de l’oppression capitaliste et de la résistance”.
Conscientiser à la reproduction quotidienne (inconscientes) des dominations, une des tâches des nouvelles éducations populaire ne donnera de la lumière et de l’énergie que si ce dé-tricottage biographique se double d’une inscription de l’individu dans l’histoire collective, dont des luttes de classes récentes …
La tâche s’élargit donc à la conscientisation des autres domestications ou “prolétarisation” des individus qui s’effectuent de nos jours en rapport avec l’historiographi. D’où notre attention à La Décroissance qui a le courage de porter le fer dans ces processus mentaux au coeur de l’aliénation sans négliger les diverses déplétions des ressources …comme aux accompagnements à l’écriture de romans historiques populaires à la Michel Etievent mais aussi aux manifestations folkloriques locales qui font revenir retour sur l’histoire locale, donc sans vue imposée d’en haut sur le mode des savoirs universitaires mais par des acteurs locaux eux mêmes et leurs porte plume (cf aussi Les Historiades à Pressins, le musée des machines à bois organisé comme un atelier dans l’ex cité du meuble de Pont de Beauvoisin…etc)
Donc nous a été donné dans ce n° de cash investigation (pourquoi cet anglais ?) deux sociétés deux exemples d’exploitation du travail vivant deux abus de position dominante deux exemples de l’ordinaire des salariés des grandes boîtes toutes choses pouvant être provisoirement inégales, deux cas paraissant exceptionnels mais de fait, deux icebergs d’une structure sous jacente d’ensemble.
Il serait bon qu’à l’instar d’Arte et de tant de documentaires la génèse du Capitalisme son histoire de A à Z ses pillages, ses spoliations, ses crimes et son esclavagisme qui ont été à la base de la naissance de sa prospérité… soit porté en Cash Investigations
Et aussi l’origine de la fortune actuelle des riches propriétaires de l’économie, le mécanisme si bien caché du rapt de la plus value des salariés sur le fait que cette production marchande capitaliste n’existerait pas sans l’état facilitateur ni sans les contributions (non décomptées) de toute la société, notamment le travail gratuit des femmes, sur l’économie comme un acte social global (que produire et pourquoi) et non un libre pillage, sur la relocalisation et le ré-enchassement de l’économie dans la société, sur l’urgence à penser son dépassement par le contrôle social global et local pour satisfaire les seuls besoins naturels et nécessaires en contexte des effondrements qu’il a produits n’étant plus sous contrôle social politique…
Les puissants qui, selon les croyances communes, doivent leur fortune à leur talent exceptionnel sont relativement épargnés par la curiosité médiatique et à l’abri des investigations des médias de masse (9 milliardaires en possèdent 95%) alors que les Pinçon Charlot nous en donnent des clés d’accès…
Mais pas du valeureux Fakir ni du Canard ni de la Décroissance ni de l’Huma ni du Diplo ni …de toute cette presse qui s’achète pour ne pas être vendue..
Là le téléspectateur n’aura pas les clés….que délivre le papier.
D’où tout l’intérêt de créer des médias alternatifs de nature à lever les illusions, à délégitimer le système, à fabriquer du consentement à des transformations alternatives sociale et écologique.
le Vent se lève télévision d’opinion va naître pour gagner la guerre des idées et au moins conquérir les bastions d’en bas
Les nouvelles éducations populaires aussi.