Semaine décisive pour Notre-Dame des Landes

le 10 décembre 2012, par Corinne N

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Après la décision du tribunal de Saint-Nazaire de repousser d’une semaine son délibéré sur la propriété du terrain de la Châtaignerie (la Chat Teigne) à l’ouest du Bois de Rohanne, où s’élève le village collectif construit depuis le 17 novembre, tous les regards se portent sur le 11 décembre.

En effet,  le tribunal doit statuer  sur la propriété du terrain – au propriétaire expulsé ou à AGO-Vinci mais aussi sur l’existence ou non de constructions illégales dessus. Une décision très attendue par les protagonistes : dans le « scénario du pire », pour les occupants de la ZAD, si le tribunal décide qu’il y a à la fois des constructions illégales et que le terrain est à AGO, les forces de l’ordre auront le feu vert pour intervenir, afin de faire cesser le trouble à l’ordre public le plus vite possible.

Eteindre l’incendie


A Paris, le président Hollande commence à être quelque peu agacé par le dossier Notre-Dame des Landes. Non pas que les manifestations du 8 décembre aient tellement rassemblé que cela – quoiqu’elles laissent planer le spectre de la convergence des luttes écologiques  – puisque les dossiers sensibles (Bures, TGV Lyon-Turin, THT, Fessenheim, EPR Flamanville) ne manquent pas ailleurs qu’en Bretagne, mais surtout parce que les dérapages policiers à Notre-Dame des Landes  et les nombreux blessés civils qu’occasionnent les opérations font désordre sur le plan de la politique intérieure. Hollande a donc recommandé à ses ministres «d’éteindre l’incendie » de Notre-Dame des Landes. Le seul problème, c’est qu’en envoyant les forces de l’ordre, il risque de l’alimenter mieux qu’en y déversant un Canadair d’essence.

Trois nouveaux arrêtés 


En attendant la décision du tribunal, que la Préfecture et l’aménageur (AGO) espèrent favorable à leurs desseins, les forces de l’ordre se préparent. Et, pour suppléer aux arrêtés pris le 30 novembre et qui arrivaient à échéance aujourd’hui, de nouveaux ont été pris du 7 au 17 décembre. Ils interdisent le transport de « tout carburant » et de « tous produit explosif, inflammable, feux d’artifice » sur les deux communes de Vigneux et Notre-Dame des Landes et remplacent les arrêtés précédents dont ils prolongent les effets.
Nouveauté : un troisième arrêté interdisant le transport de matériaux sur certaines voies a été pris. La semaine dernière, les gendarmes, qui constataient que les constructions battaient leur plein, avaient inventé un « arrêté fantôme » pour stopper les camions puis s’étaient réfugiés derrière une réquisition d’un juge demandée pour l’occasion. Donc, « sauf nécessité professionnelle dûment justifiée », le transport des matériaux est interdit sur les routes suivantes : RD81 entre les Ardilières et la commune de Vigneux (carrefour de la Saulce), voie communale 1 (NDDL) des Perrières aux Ardilières, voie communale 11 (NDDL) du Chêne des Perrières à la Boistière, voie communale 5 (Vigneux) de la Boistière à Vigneux.
« Nous couvrons notre action »


Du côté de la Préfecture, l’on se refuse évidemment à commenter le calendrier des opérations. Mais des gradés de gendarmerie, engagés dans l’opération, se montrent plus prolixes.  Ces arrêtés permettent aux forces de l’ordre de « geler la construction de nouveaux points de fixation sur zone, autant que possible » et « limiter l’exposition des personnels » chargés du maintien de l’ordre. «Nous couvrons notre action », abonde un autre, pour lequel ces arrêtés n’auraient pas été pris s’ils ne se justifiaient pas par l’imminence d’une opération.

Si et seulement si la justice statue en ce sens.  Mais dans les rangs, l’on ne se fait aucune illusion « les barrages ne suffisent pas, les matériaux passent de partout. Même si l’on bloque toute la zone, ils feraient des tunnels comme à Gaza », commente un gendarme-mobile sous couvert d’anonymat. C’est aussi ce que constatent les journalistes présents sur place. C’est que « tenir 1600 hectares de terrain, c’est hors de la portée des forces de l’ordre », explique-t-on du côté des syndicats policiers ; « vider, on sait faire, tenir, non. Rien ne les empêchera de revenir dès que l’on repart, ou construire ailleurs pendant qu’on vide ici. On n’en voit pas la fin ». Pour se tenir au courant des évolutions de la zone, des nouvelles constructions et des protections qui sont faites, les forces de l’ordre comptent plus sur les rondes faites quotidiennement, au « contact » de la ZAD, les tournées de l’hélicoptère et les « autres sources« , à la fois gendarmes infiltrés, agents de la DCRI et… « certains de vos confrères« . Pas sûr que cela améliore tellement l’image des journalistes sur la ZAD.

Nous n’aurons qu’une confidence sur le calendrier : soit c’est maintenant, soit « la période des fêtes de fin d’année rendra très difficile, sinon impossible, la mobilisation du personnel policier requis ». En effet, nombre de gendarmes-mobiles et de CRS viennent de loin (Saran, la Rochelle, Pau, Sancerre, La Rochelle, Tours…) et seront nécessaires pour assurer la sécurité des villes au moment des fêtes et des chaudes nuits de fin d’année. Par conséquent, soit l’opération se fait avant le 17 décembre, soit elle est remise au mois de janvier, après les fêtes et la trêve des confiseurs.
Ce n’est en effet pas rien que de « vider »Notre-Dame des Landes : il faut mobiliser 2.200 policiers et assurer la logistique derrière : le casernement de Nantes est plein à craquer, des unités seront hébergées à Rennes, Vannes et Saint-Brieuc, et dans divers hôtels commis pour cela, parfois depuis des semaines (Campanile, Etap Hotel, WestHotel) à Saint-Herblain, Treillières, Carquefou et la Chapelle sur Erdre. Les récriminations des syndicats sur le manque de logistique ont été entendues : l’administration de la zone de défense Ouest a pris un long arrêté le 3 décembre  où elle fixe les responsabilités et les chaînes hiérarchiques de prise de décision en matière de logistique et de paiement, pour les coûts et les transports liés aux déplacements, dont la « mission Notre-Dame des Landes ».

Des recours ont été posés

Contre les arrêtés pris le 7 décembre, des recours ont été déposés par l’ACIPA et un paysan. Nous avons eu des nouvelles du référé suspension déposé au tribunal administratif contre l’arrêté du 30 novembre interdisant le transport de « tout carburant » sur le site : « le juge a un mois pour statuer dans le cas d’un référé-suspension », nous explique le juriste Dorian Piette, « il a décidé en l’espèce qu’il n’y avait pas urgence à statuer. C’est légal, mais cela s’approche du déni de justice, d’autant plus que cela joue dans le sens de la préfecture ». Espérons qu’il ne fera pas de même contre les recours qui viennent d’être faits.

 

Source :  http://blogs.mediapart.fr/blog/corinne-n<http://blogs.mediapart.fr/blog/corinne-n

Breizh Journal http://breizhjournal.wordpress.com

http://breizhjournal.wordpress.com/2012/12/10/semaine-decisive-pour-notre-dame-des-landes/