Pour se libérer de la propriété immobilière

Les terres, les logements et les lieux d’activité sont régis par la propriété privée dans l’immense majorité des cas. Un système qui entretient la jalousie, la concurrence, l’insécurité, les inégalités massives.

Comment faire pour soustraire ces espaces indispensables à nos vies de l’emprise des marchés, de la spéculation, de l’accaparement individuel et de l’accumulation capitaliste ?

Actuellement, il n’y a que deux régimes possibles pour les gens “ordinaires”, la location et la propriété. Dans les deux cas, ces systèmes sont très coûteux, notamment pour les plus pauvres, qui ne peuvent accéder à une propriété qu’au prix d’un endettement à vie qui les lie complètement aux banques et les obligent à se sacrifier au travail marchand.

De plus, les propriétés auxquelles accèdent le plus souvent les classes moyennes ne sont pas de bonne qualité, sont anti-écologiques (lotissements en étalement urbain, voiture favorisée, petites maisons individuelles, le plus souvent gourmandes en énergies, en matériaux industriels polluants, etc.), favorisent l’individualisme.

Pourtant, ce modèle, néfaste pour les habitants et les écosystèmes, est toujours celui qui est poursuivi massivement en France.

Malgré un monde régi par l’argent et les classes sociales, des possibilités existent si la cohabitation et la solidarité sont souhaitées.

En détournant plus ou moins les législations en vigueur, qui bien sûr sont conçues uniquement pour la propriété privée (même si des avancées se font timidement avec la loi ALUR), il est possible de créer des coopératives d’habitants, qui permettent la sécurité d’une sorte de droit d’usage, tout en empêchant la spéculation, le profit individuel.

En clair, une structure collective possède les propriétés, pas les personnes individuelles , cette structure est “bloquée” grâce au droit de veto d’une autre structure pour empêcher la revente des biens immobiliers sur le marché.

Chacun ne possède que des parts, qui sont indexées seulement par rapport au coût de la vie, et non pas par rapport aux prix (exorbitants) du marché.

Si quelqu’un a investi 100.000 € à un moment donné, à son départ il ne pourra récupérer que 105.000 € correspondant à l’inflation effective, et non pas les 200.000 € correspondant à la spéculation immobilière.

Explications : http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4803936

L’autre avantage de la coopérative d’habitants, c’est la gestion commune des lieux. Les participants doivent se prendre en main, faire de l’auto-gestion, ils doivent de fait apprendre à s’entraider, à collaborer, à décider ensemble de manière consensuelle. C’est donc aussi un apprentissage à sortir de la concurrence et du chacun pour soi, une occasion pour se défaire des hiérarchies et habitudes de dominations/soumissions.

De plus, cette forme d’auto-gestion apprend à ne plus tout attendre des gouvernants et organismes sociaux, à ne plus être dans une soumission passive ou résignée, et ça peut aussi par extension s’appliquer à d’autres domaines (éducation, travail, démocratie…).

Avec le temps, une fois ces biens amortis, ne restent que les frais d’entretien, plus une part pour alimenter une caisse mutuelle destinée à sortir du marché d’autres biens, ce qui ferait des “loyers” peu élevés.

Evidemment, on est toujours dans un système régit par l’argent, mais ce serait un pas permettant la sortie du marché des biens immobiliers, et un début d’apprentissage à vivre autrement ensemble.

Le problème majeur (en plus bien sûr de l’éternel “facteur humain”), c’est le point de départ de tout ça.

Car les pauvres n’ont pas du tout les moyens financiers pour acquérir des biens et les sortir du marché.

Les prix élevés de l’immobilier et le coût des crédits (à supposer qu’on leur en accorde…) les en empêchent, surtout dans un contexte de chômage généralisé. Sans parler du fait que payer tout ça aussi cher est une forme d’extorsion.

Le problème est donc que cette solution reste réservée aux riches et aux classes moyennes les plus aisées… Ce qui est discriminatoire et contradictoire avec les intentions généreuses.

 

Comment franchir l’obstacle ?

Tout d’abord, des regroupements de personnes de classes moyennes pourraient y arriver par leurs efforts conjugués, elles pourraient aussi accueillir des personnes sans capital, mais ça reste insuffisant.

Pour que davantage de pauvres puissent être partie prenante, il faudrait d’autres événements favorables :

  • que des riches renoncent aux privilèges de leur classe sociale et distribue une grosse part de leur fortune au lieu de se payer des villas de luxe, des résidences secondaires et des yachts
  • que des pauvres renoncent à s’embourgeoiser d’une manière ou d’une autre
  • que ces personnes soient capables de s’entendre

Là, il s’agit toujours de solutions à échelle assez réduite, dans des réseaux.

Pour des actions de plus grande ampleur, il faudrait la mobilisation active de larges pans de population (occupations, manifestations…), pour faire pression à la fois sur les spéculateurs, les grands propriétaires, les communes, afin de changer les règles du jeu, et par exemple exproprier certains biens (notamment ceux qui sont inutilisés ou servent à spéculer), obliger des riches à vendre à des prix plus bas que le marché, rendre l’auto-gestion possible pour des biens communaux.

Tout ça implique des changements de mentalité importants des populations, avec tout un entraînement et des expériences préalables, avec une envie de convergences largement partagée, et que les communes soient complètement transformées, avec l’instauration d’une démocratie directe par la population en vue du bien commun (fin des partis et des luttes de clans, des lobbies), en commençant par les besoins des plus pauvres.

Il y a toujours eu des communes qui essaient d’aider les pauvres, mais tant qu’on ne change par les bases du système (propriété, classes, concurrence, marché, capital, individualisme…), les effets et le nombre de réalisations restent limités. Et on ne change pas le fait même qu’il y ait des riches et des pauvres, des classes sociales.

En fait, pour que des changements de plus grande ampleur fonctionnent dans le domaine de la propriété immobilière, il faudrait en même temps des changements complets dans d’autres domaines, comme :

  • le renoncement à la croissance, à la sur-consommation
  • l’éloignement des fonctionnements liés à la concurrence
  • la redéfinition du travail, des revenus
  • l’apprentissage à la convergence, à la démocratie directe partout (avec des décisions au consensus ou consentement)

Pas seulement la sobriété heureuse, mais l’envie d’en finir avec le système marchand dans son ensemble.

Les coopératives d’habitants, la sortie des biens immobiliers du marché, ne sont pas LA solution miracle, ça ne fait pas tout, mais c’est un des éléments importants à prendre en compte dans la perspective d’une émancipation radicale par rapport à l’Etat et à l’économie marchande.

David.

Quelques liens utiles :