Un système de santé égalitaire et solidaire ?

André Grimaldi

Collectif pour une santé égalitaire et solidaire

13 févr. 2017 — Le débat sur la Sécurité sociale est souvent dramatisé et biaisé. Quatre idées fréquemment avancées doivent être réfutées :

1. La France dépense plus que les autres pays développés en matière de santé.

FAUX !

D’après les statistiques officielles de l’OCDE, nous étions en 2015 en 6ème position avec une dépense de 11% du PIB, derrière les Etats Unis 16.9%, la Suisse 11.5%, le Japon 11.2%, la Suède et l’Allemagne chacune avec 11.1%. Et en dépense de santé par habitant, nous sommes à la 13ème place avec 4367 dollars loin derrière les USA avec 9024 dollars et l’Allemagne avec 5119 dollars.

2. La France est le pays qui consomme le plus de médicaments.

Ca a été vrai mais ça ne l’est plus.

Depuis 10 ans nous avons rejoint le taux moyen des pays de l’OCDE avec une dépense totale de médicaments (ville /hôpital, médicaments remboursables) de 34.3 milliards d’euros (dont 0.2 milliard pour l’homéopathie) auxquels il convient d’ajouter 4 milliards de médicaments non remboursables. Les médicaments représentent environ 20% des dépenses, mais nous continuons à être de très forts « consommateurs » d’antibiotiques et d’anxiolytiques.

3. L’augmentation du reste à charge (franchises, forfaits, dépassements d’honoraires non remboursés, soins dentaires, auditifs ou d’optique mal remboursés) « responsabilise » les patients en les amenant à renoncer à des consultations inutiles.
FAUX !

Une enquête de l’IRDES (institut de recherche et documentation en économie de la santé) d’octobre 2010 avait montré que l’effet des franchises touchait essentiellement les personnes ayant de faibles revenus aggravant leur renoncement aux soins. L’augmentation du reste à charge (RAC) ne diminue pas significativement la « consommation » de soins inutiles, mais elle augmente très significativement les inégalités sociales de santé. Plus encore, plusieurs études portant sur des maladies chroniques évolutives comme le diabète où la prévention des complications est essentielle, ont montré que la gratuité des traitements est un facteur d’amélioration de l’observance. L’étude la plus démonstrative a été rapportée en 2011 dans le célèbre New England Journal of medicine. Elle portait sur près de 6000 patients ayant fait un infarctus du myocarde. Par tirage au sort la moitié des patients ont bénéficié d’un traitement gratuit et ont été comparé à un groupe contrôle ayant un reste à charge mensuel en moyenne de 50 dollars. La gratuité a entraîné une meilleure observance des traitements et en conséquence une réduction des récidives d’accidents cardiovasculaires de 14% et finalement un coût moyen moins élevé pour les patients du groupe « gratuité des médicaments » que pour les patients du groupe « reste à charge usuel », même si cette différence n’atteignait pas la significativité statistique. Cette conclusion peut être généralisée à toutes les pathologies chroniques évolutives et justifie la prise en charge à 100% par la Sécurité sociale des 10 millions de patients reconnus en affection de longue durée (ALD) .Le reste à charge des patients en ALD reste malgré tout important, plus du double de la moyenne des patients .

Seule une vision comptable à courte vue explique que des responsables gestionnaires aient en 2011 retiré de la prise en charge à 100%, 1 million de personnes ayant une hypertension artérielle sévère. Cette décision se traduira dans les années à venir par plus d’accidents vasculaires cérébraux, plus d’insuffisance cardiaque, plus d’insuffisance rénale terminale : crime de papier parfait qui restera impuni !

4 On croît communément que la concurrence est le moyen le plus sûr d’obtenir la meilleure qualité au plus bas coût.

FAUX !

En matière de santé, c’est l’inverse que l’on observe. La libre concurrence ne fait pas baisser les prix, elle les augmente, qu’il s’agisse des dépassements d’honoraires ou des tarifs des assurances privées (mutualistes ou à but lucratif).L’augmentation des uns entretient l’augmentation des autres. « Vous avez une bonne mutuelle ? » est devenue une question rituelle posée par le médecin spécialiste à son patient. En effet la santé est un bien supérieur. Et chacun est prêt à payer plus pour la santé, si ce n’est pour la sienne du moins pour celle de ses enfants, de son conjoint ou de ses parents. Quant à la personne malade ou qui se croît malade, c’est une personne anxieuse facilement manipulable. C’est pourquoi les médecins prêtent serment de ne pas abuser de cette asymétrie relationnelle En la matière, le concept de patient « consommateur éclairé », informé grâce à internet, faisant le choix du juste soin au moindre coût sur « le marché de la santé », est un mythe répandu par certains économistes libéraux. Ce mythe est utilisé par les assureurs privés qui proposent aux patients de faire le bon choix à leur place, en organisant leurs propres réseaux de soins remettant en cause l’indépendance professionnelle des médecins. On sait ce qu’il en est aux USA où ce modèle est appliqué : les dépenses y sont les plus élevées et les résultats les plus médiocres.
Un système de santé égalitaire et solidaire n’est pas qu’une chance pour les pauvres. C’est aussi une chance pour les riches d’être soignés aussi bien que les pauvres,  c’est-à-dire en fonction de leurs besoins !

Pr André Grimaldi au nom du Collectif pour une santé égalitaire et solidaire