Si on regardait en face ce qui peut nous tomber dessus …. pour ne pas survivre dans “le monde d’après”

Un FILM d’ALERTE

“Tchernobyl, le monde d’après”

Cinéma Victoria à Aix les Bains

Jeudi 7 juin à 20h

suivie d’un débat avec des représentants des associations organisatrices.Arrêt du nucléaire Savoie, les Amis de la Terre en Savoie et le groupe local Greenpeace, organisent une projection du film
Ce documentaire, produit par “Enfants de Tchernobyl Belarus” et réalisé par Marc PETITJEAN, raconte l’histoire de “liquidateurs” qui ont consacré leur vie à réduire autant que possible les risques et les dommages, dus à la contamination radioactive, et conséquences de la catastrophe pour la population du Belarus.

Pour en savoir plus sur les dernières données disponibles sur la situation sanitaire de la population du Belarus vous pouvez lire l’article écrit par Michel LABLANQUIE, militant antinucléaire et “citoyen du monde”.

32 ans après, la situation sanitaire dans les territoires les plus touchés par la catastrophe de Tchernobyl continue d’empirer

Le nouveau film de Yves Lenoir et Marc Petitjean, « Tchernobyl, le monde d’après » nous le rappelle : la catastrophe de Tchernobyl n’est pas figée [1]. C’est un arbre qui pousse.

De nouvelles données recueillies dans la région de Minsk, à 475 km de Tchernobyl, révèlent que les malformations cardiaques congénitales dans la population enfantine sont de 10 à 20 fois plus fréquentes que la normale et que le nombre d’enfants rendus invalides par une maladie cardiaque y a doublé entre 2014 et 2017. À Stolyn, à 200 km de Tchernobyl, 60 % des femmes en âge d’enfanter et plus de 84 % des femmes enceintes ont une pathologie. La naissance d’un enfant en parfaite santé est un événement rare, 90 % des nouveaux-nés ont des maladies.

On a observé, dans une région où la radioactivité a pourtant notablement diminué, que des oiseaux ont développé des malformations, anomalies génétiques et tumeurs en nombre plus élevé que prévu. Les chercheurs émettent l’hypothèse que la “dose initiale”, l’exposition aiguë au moment de l’accident, a un effet sur les descendants des oiseaux irradiés lors de l’accident de 1986. En d’autres termes, les anomalies actuelles se seraient transmises de génération en génération depuis l’accident. Les doses reçues à l’époque de l’accident auraient donc induit une instabilité génomique trans-générationnelle [2].

De nombreuses autres études provenant de plusieurs pays ont été répertoriées, analysées et comparées aux modèles en vigueur, comme l’a rapporté Paul Lannoye lors du Forum social antinucléaire, le 3 novembre 2017 à Paris [3]. Son constat, partagé avec le Comité européen sur les risques radiologiques dont il a traduit les “Recommandations 2003” [4], est que les normes de radioprotection protègent plus l’industrie nucléaire que la santé des populations et des travailleurs. L’évaluation des risques liés à une exposition aux radiations, défendue aujourd’hui par les experts en radioprotection à travers le modèle du CIPR, et qui sert de base à la législation européenne en vigueur, est grossièrement insuffisante et scientifiquement obsolète : il est nécessaire de refonder le système international de radioprotection.

 

La mise à mort programmée des générations futures

On constate notamment à travers ces différentes études qui n’ont pas été retenues par la doctrine officielle, que « l’impact sanitaire du nucléaire est d’autant plus destructeur et violent que l’on remonte le cours de la vie vers son origine », comme le souligne Nicole Roelens [5] :

« On voit dans les zones contaminées les impacts sanitaires bien sûr chez les adultes, mais plus on va vers l’enfance, la vie prénatale, le temps de la procréation, et le capital génétique qui précède la procréation, et plus l’impact est virulent et destructeur. Des atteintes qui deviendront parfois héréditaires. Non seulement le nucléaire atteint des personnes vivantes, mais il est en train de détruire la vie des prochaines générations [6]. On dirait qu’on va vers ça en toute inconscience, on laisse faire. On est en train de détruire la vie de nos enfants, de nos petits enfants, sans réaction.

Le nucléaire a inauguré avec Hiroshima l’accès à des technologies destructrices, d’autres sont venues après comme les OGM ou les perturbateurs endocriniens. Ce projet scientifique de toute puissance est fondamentalement hostile au vivant. Les rapports de pouvoir, dont les rapports hégémonie/ asservissement entre sexes est la matrice sous-jacente, ont migré vers la technologie et la science, instaurant des rapports non conviviaux, sans respect pour les êtres vivants, les animaux, les plantes [7]. Il y a fascination des gens pour le pouvoir et pour les technologies hégémoniques, cette puissance qui va pouvoir se développer. Les hommes les plus hégémoniques, qui ont le plus envie de pouvoir, sauvegardent d’une certaine façon l’égo des individus et l’égo des nations. Cela explique la résistance extraordinaire à supprimer l’arme nucléaire, en ce qu’elle donne une illusion de pouvoir, subordonnée au pouvoir du chef.

L’humanité est habitée par un processus d’auto-destruction qui risque de l’entraîner vers son extinction. Les gens savent, mais ils ne veulent pas le savoir. Il y a un mécanisme de démission de la pensée. L’impuissance et la fascination se combinent pour garantir l’impunité de ceux qui provoquent des désastres. En laissant la parole à des experts, spécialistes de la falsification des faits, comme ceux qui agissent dans les cours européennes en faveur des OGM ou du nucléaire, leur discours rassurant évite de nous confronter à ce que nous sommes en train de faire collectivement [8]. »

 

La « protection radiologique » institutionnelle est un leurre dangereux

L’expertise de la protection radiologique est déléguée au niveau mondial à certains organismes de l’ONU, à qui sont assurés légitimité et audience : l’UNSCEAR (Comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements atomiques), qui décrète la « Vérité » des effets des radiations, la CIPR (Commission Internationale de Protection contre les Radiations) qui diffuse cette « Vérité » à travers ses recommandations, source des législations nationales et internationales actuellement en vigueur, et l’OMS (Organisation mondiale de la santé), qui ne dit mot et donc consent.

Comme l’explique Yves Lenoir [9] : « La hiérarchie quant au contrôle de l’exposition aux radiations est simple : la science de l’UNSCEAR au sommet, puis, juste en dessous, les recommandations de la CIPR (Commission internationale de protection radiologique), fondées sur la-dite science, les institutions « opérantes » en troisième position (AIEA, EURATOM etc), et en dernier lieu les législations nationales qui adaptent à leur niveau les recommandations de la CIPR, éventuellement filtrées par des organes supra-nationaux ».

Bien sûr, toutes les études qui ne correspondent pas au “dogme” sont simplement écartées des conclusions officielles. Ainsi le “bilan définitif ” de la catastrophe de Tchernobyl a été décrété en septembre 2005 lors du Chernobyl Forum, instance créée au sein de l’ONU en 2002 et dirigée par des experts de l’UNSCEAR et de la CIPR : en tout et pour tout 50 morts et 4000 cancers à venir [10]. Moins que le bilan – morts et blessés – d’une journée de circulation routière dans l’ex-URSS !

Le rapport général, établi à partir des travaux du Chernobyl Forum, a ensuite été soumis par l’UNSCEAR à l’approbation de l’Assemblée générale de l’ONU – qui, comme pour tous les précédents rapports, l’a adopté à l’unanimité. Tous les pays représentés à l’ONU l’ont ainsi reconnu et validé, y compris les trois pays les plus touchés, le Belarus, l’Ukraine et la Russie.

Pourtant, les pathologies observées sur le terrain en Belarus par les medecins de l’Institut Belrad viennent totalement invalider les schémas officiels retenus par les organismes internationaux en charge de la radioprotection. Ces organismes de l’ONU ou affiliés orchestrent en dehors de tout contrôle démocratique le déni sur les effets sanitaires de la radioactivité – jusqu’à prendre en main le contrôle de la radioprotection et de l’information en cas de catastrophe, à travers les programmes Ethos et Core, à Tchernobyl puis Fukushima.

 

La responsabilité des peuples et des institutions internationales

La crise de Tchernobyl révèle la logique de la « protection radiologique internationale » : il s’agit bien de préserver l’avenir de l’énergie atomique en rendant socialement et politiquement acceptables l’exposition aux retombées radioactives et l’ingestion de nourriture contaminée par des radioéléments artificiels. Il faut donc déterminer et faire admettre un compromis entre coût des mesures exceptionnelles à consentir et exposition “tolérable” des groupes humains, maintenus dans des conditions où il est quasi impossible de respecter les limites d’exposition du temps normal.

Ceux qui prétendent protéger l’humanité des radiations ont été les plus ardents promoteurs de l’avènement de l’âge atomique, et s’acharnent aujourd’hui de le pérenniser contre vents et marées. Deux institutions sont illégitimes, moralement parce qu’elles pilotent le déni des séquelles de Tchernobyl et Fukushima, et juridiquement parce qu’elles sont soustraites à tout contrôle de leurs activités : la CIPR et l’UNSCEAR.

Si l’enjeu de sauvegarde de la vie des prochaines générations était clairement posé, l’opinion mondiale sortirait certainement de son aveuglement et exigeait de connaître la vérité. Cela entraînerait de fait une complète remise en question de tous les usages de l’industrie nucléaire, civile et militaire.

 

La Charte fondatrice de l’ONU débute par ces mots : « Nous, peuples des Nations unies, résolus à préserver les générations futures… ». Or il faut bien reconnaître que l’ONU déroge à ses principes pour ce qui est de la protection radiologique des peuples qu’elle est censée représenter.

Les contaminations radiologiques étant transnationales, c’est bien des peuples du monde que doit venir le sursaut. Notre responsabilité est là : reprendre en main le système de radioprotection, ou sacrifier les générations futures.

Michel Lablanquie
d’après les travaux d’Yves Lenoir, Paul Lannoye et Nicole Roelens,
le 16 avril 2018

 

Cet article fait suite au travail de l’atelier « Libérer l’ONU du nucléaire » qui s’est tenu lors du Forum Social Mondial Antinucléaire le 3 novembre 2017 à Paris. Un grand nombre de sources, documents et réflexions, réunis et compilés à cette occasion, sont consultables dans notre dossier en ligne